Que s’est-il passé en 2019 dans l’univers des virements et des prélèvements ? Une rétrospective générale de l’année écoulée nous permettra de comprendre le passé pour mieux cerner les enjeux à venir pour l’Europe et le reste du monde.
Extension et réduction SEPA
L’année 2019 a vu arriver dans la zone SEPA deux nouveaux pays, le Vatican et Andorre, portant à trente-six le nombre de pays participant aux échanges européens.
Cette même année a également validé démocratiquement, par la victoire électorale de Boris Johnson, la volonté anglaise de sortir de l’Union européenne. Bien que le BrExit ne signifie pas nécessairement sortir de la zone SEPA, il imposera de considérer le Royaume-Uni comme un pays extérieur à l’Union européenne (« no-deal BrExit ») et de lui appliquer des mesures similaires à celles en place pour des pays comme la Suisse ou Monaco.
Statistiques
L’EPC a publié les statistiques de 2019 relatives aux échanges effectués en 2018. Les histogrammes ci-contre en illustrent les résultats. Pour des raisons légales locales, certains pays ne communiquent pas de données.
À l’aide des informations recueillies, le résultat est sans appel ; les valeurs indiquent clairement que l’Allemagne et la France restent des émetteurs et des récepteurs majeurs d’opérations SEPA. La carte ci-dessous propose une autre vision ; elle colorise les pays en fonction de leurs volumes de virements. Les pays ne communiquant pas leurs données restent gris au contraire des pays qui, au moment de la publication, n’avaient pas transmis les informations requises soit pour des raisons légales similaires aux premiers soit pour des motifs de disponibilité.
Ces chiffres ne doivent pas cacher certaines réalités. En effet, ils ne tiennent pas compte du dernier né des produits SEPA, le SCT instantané et, plus généralement, des solutions Instant Payment locales. Ainsi, des pays très en avance dans le domaine des paiements instantanés, comme le Danemark, ont des volumes de virements quasiment nuls. Il est aisé d’interpoler que les quantités de virements échangés auraient été bien plus importantes si les solutions IP avaient été mesurées. Ainsi l’omniprésence des échanges instantanés pourrait entraîner l’abandon local du SCT à son profit.
En 2019, les champions du SDD restent les allemands suivis d’assez loin par la France et l’Espagne. Pour la dixième année consécutive, le SDD reste un produit de paiement très germanique.
Les produits
SCT Inst.
À la fin de l’année 2019, le SCT Instantané, l’IP SEPA, souffle ses deux bougies ; il est présent dans vingt-deux pays avec une couverture de 51 % des PSP (Payment Service Providers). Pour le moment, l’arrivée du SCT instantané dans l’Hexagone n’a pas modifié le paysage des moyens de paiement ; il y reste un produit optionnel. Les français semblent rester très attachés aux moyens classiques à l’opposé des pays scandinaves pour qui l’IP est « le nouveau standard ».
RTP
Publié à la fin de l’année 2019, le projet de mettre en place la RTP (Request-to-Pay) en Europe a été ébauché par l’EPC. Il consiste à déployer un message qui servira à avertir le débiteur qu’une facture, une prestation ou un achat doit être payé. Le message transportera le détail de la facture et les données complémentaires qui permettront lors de la validation du message de fabriquer un virement complet potentiellement très détaillé. Ce message vient en concurrence direct du SDD très peu utilisé dans beaucoup de pays d’Europe. En effet, la RTP, par rapport au SDD, s’affranchit des signatures de mandat et des questions liées aux demandes de remboursement ou à la protection du débiteur. Elle dématérialise les factures, facilite la création des messages de paiements, favorise la réconciliation comptable et transforme en virement irrévocable un paiement qui aurait pu être fait par un autre procédé révocable. La RTP fait écho au RfP (Request for Payment) en cours de développement aux États-Unis et sur le Correspondent Banking de SWIFT.
ISO 20022
Bien que distinct du SEPA, cette norme internationale continue à se répandre dans le monde. À la fois pour des paiements domestiques comme au Canada en 2016, en ce moment aux États-Unis (suivi par la NACHA), mais aussi pour les paiements internationaux comme la Russie (suivi par la ROSSWIFT et deuxième pays après les USA en nombre d’utilisateurs de SWIFT).
SWIFT, à travers le programme d’harmonisation ISO 20022 à l’échelle mondiale, abandonnera les messages MT au profit des MX pleinement conformes à la norme ISO 20022. La migration commencera en novembre 2021 pour se terminer en 2025 avec l’arrêt des MT. Cette uniformisation (dont le nom de la norme « UNIFI » est évocateur) permettra aux utilisateurs de gérer avec un seul format aussi bien un virement domestique qu’un transfert international n’importe-où sur Terre. Les pacs.008 et pacs.009, successeurs des MT103 et MT202 ont déjà été publiés par l’institution.
2019 est terminé. 2020 arrive avec des évènements politiques, des nouveaux produits et la poursuite de nombreux projets interbancaires. Les moyens de paiement sont en pleine évolution et cette dernière va se poursuivre tout au long de cette nouvelle année.
Chaque année, elle arrive au mois de novembre. Le contenu en est connu depuis presque un an, mais c’est souvent dans l’urgence que des établissements financiers s’en préoccupent pour respecter l’échéance.
Alors à quelques semaines du terme du 17 novembre 2019, savez-vous ce qui vous attend dans cette nouvelle Release ?
Bonne nouvelle ! Pas d’évolution sur le SDD !
En revanche, si de 2014 à 2017, le virement européen a connu peu d’évolution, 2019 prolonge le mouvement initialisé en 2018, avec l’apparition d’une nouvelle famille de R?messages (ou “messages connexes”) : les “Inquiries”, avec ses mises à jour associées.
La Release 2019 complète également les “Requests” et leur ajoute les “Status Updates” associés.
Retour vers le Futur
Petit rappel de la construction des messages liés au Virement SCT : l’origine remonte à 2008, avec un complément en 2010 :
Les Requests
Les Requests s’enrichissent dans cette release 2019 : ces “requêtes entre banques” sont des messages destinés à interroger le confrère sur le sort d’une demande antérieure.
Par exemple, après un Recall (message historique de rappel de fonds), en l’absence de réponse, la banque émettrice s’enquiert de sa demande via un Request for Recall (message apparu en 2018).
Cette famille, apparue en novembre 2018, annonçait le prélude à une multiplication des messages qui se concrétise dans la release 2019.
En Novembre 2019, il sera possible de faire des Request for Status Update qui permettront de connaître la destinée des messages précédemment envoyés.
Les Requests for Status Update accompagnent les Requests et Inquiries : ils ont été définis pour rappeler au destinataire qu’une requête (Request), qu’une enquête (Inquiry) ou qu’un rappel de fonds (Recall) a été émis et reste à ce jour sans réponse.
En principe, une banque se doit de faire un retour sur tous les R-messages imposant une réponse. Ces messages permettront d’identifier plus facilement les établissements qui, par habitude, ne répondent pas aux messages.
Les Inquiries
La famille des Inquiries est la nouveauté 2019. Les Inquiries sont des messages d’investigation.
Par exemple, l’émetteur demande d’enquêter sur l’absence de réception d’un virement ou sur une demande de modification de date de valeur.
Ces messages peuvent améliorer certains processus internes dans les banques, comme dans le traitement des vérifications et des contestations ; plus globalement, l’objectif européen est d’encadrer des pratiques existantes de gré à gré entre banques.
Ces nouveaux messages bénéficieront surtout aux banques ne disposant pas des relations interbancaires suffisantes pour gérer par téléphone auprès d’une banque estonienne, le cas d’un virement non reçu.
Ils affranchissent en effet les Back-Offices bancaires des barrières linguistiques et des décalages horaires.
Les Inquiries peuvent faire l’objet d’une Request for Status Update pour rappeler au confrère qu’une demande est en cours (cf. §2).
Une Release souvent jugée à faible Valeur Ajoutée par les Banques Françaises…
Le socle européen de base du virement SEPA s’étend à présent à 19 messages (sans compter les ajouts nationaux, comme les ACVS et les CAI pour la France).
Fallait-il s’imposer ces nouvelles contraintes, se demanderont sans doute les banques, pour traiter des cas d’exception ?
La Release s’impose à tous !
Outre la force de la réglementation, la Release s’impose pour suivre les prochaines évolutions réglementaires et fonctionnelles.
D’un côté, la Release 2019 démontre bien la disparité entre les pratiques nationales : elle est bien accueillie en Allemagne et plus froidement en France. Mais n’est-ce pas précisément la volonté et le rôle du régulateur d’uniformiser les pratiques à l’échelle de l’Europe et faire émerger des acteurs pan-européens ?
D’un autre côté, les banques voient les coûts de mise en oeuvre de la Release. Alors qu’elles investissent pour se transformer au numérique et à l’instantanéité, ces changements sont le plus souvent subis et les banques peinent à y trouver un retour sur investissement.
La nouvelle réglementation, un paradoxe avec le SCT Inst…
Le rapprochement entre la Release 2019 et le passage au numérique instantané souligne un paradoxe.
En effet, que penser des nouveaux messages de correction des dates de valeur alors que l’autre virement européen, le SCT Inst (alias Instant Payment) fait disparaître la notion-même de date de valeur et de règlement ? Si le SCT Inst se présente de plus en plus généralement comme le remplaçant (“the new standard”) du SCT classique dans plusieurs pays européens, fallait-il créer ces nouveaux messages ?
En synthèse, l’adoption de la Release SEPA 2019 au sein des banques se fait sans enthousiasme, avec un contenu chargé (l’un des plus lourd qu’ait connu le SCT) et sans retour sur investissement clairement identifié.
Néanmoins, elle reste obligatoire pour toutes les banques européennes, même si certaines essaieront de conserver un traitement manuel sur certains processus.
Et puisqu’il faudra bien y passer, autant bien comprendre les mécanismes européens et les attendus de cette Release. C’était l’objet de cet article, que nous pouvons poursuivre en bilatéral sur demande… parallèlement aux actions à engager pour accélérer le déploiement du SCT Inst et s’affranchir du SCT Classique !
MREL [1] et TLAC [2], nouvelles exigences réglementaires, vont alimenter l’abondant portefeuille de projets réglementaires, à l’occasion du package CRD II – CRR V. De quoi s’agit-il ? Ce sont des mécanismes d’absorption des pertes qui visent à mettre les contribuables à l’abri d’une faillite bancaire.
Ils ont pour objectif de :
Constituer un coussin de fonds propres utilisable dans la logique du bail-in [3],
Limiter un éventuel recours aux fonds publics bail-out [4], en cas de défaillance d’un établissement bancaire.
Ces deux dispositifs se sont construits parallèlement, par des autorités différentes :
MREL est porté par l’EBA [5] et le SRB [6]. Il s’applique aux groupes bancaires et transfrontaliers établis dans l’Union bancaire en Europe. Il est entré en vigueur au 1er janvier 2016 ;
TLAC est porté par le FSB [7] et s’applique aux grandes banques internationales (G-SIBs [8]). Sa mise en application est prévue au 1erjanvier 2019.
MREL, sécuriser un coussin de capital de plus 8% des passifs éligibles
Transposée dans l’Union bancaire par la directive BRRD [9], MREL impose aux banques européennes de respecter une exigence minimale de fonds propres et de passifs éligibles. Dans son rapport final, l’EBA a exigé que le ratio MREL soit fixé pour chaque banque à un niveau permettant la mise en œuvre de la stratégie de résolution.
Au 1er janvier 2016, la Commission européenne a entériné le ratio MREL, définissant bien au cas par cas pour les banques de l’Union, un nouveau coussin de capital à hauteur d’au moins 8 % des passifs.
TLAC, sécuriser progressivement de 16 à 18 % du RWA
Dès 2019, les Banques Systémiques (G-SIBs) devront afficher un ratio de solvabilité total équivalent à au moins 16% de leurs RWA [10] et 6% de ratio de levier au titre du pilier 1.
Au 1er janvier 2022, elles devront présenter 18 % de leurs RWA et 6.75 % de ratio de levier au titre du pilier 1.
Les instruments financiers éligibles au TLAC sont principalement des capitaux constitués des fonds propres durs (CET1 [11]), des instruments de capital hybride (AT1 [12], Tier 2) ainsi que quelques dettes seniors.
Le nouveau régulateur international, le FSB a ainsi décidé de doubler au minimum les exigences de fonds propres des banques systémiques, par rapport aux exigences actuelles.
Ce niveau d’exigence doit éviter une crise de liquidité fatale (cas de la crise des subprimes et de la chute de Lehman Brothers), en obligeant les grandes banques à puiser dans leurs réserves en cas de défaillance.
Harmonisation du MREL avec le TLAC
Dans le cadre du package CRD II – CRR V, l’EBA préconise une harmonisation entre les deux dispositifs, en adoptant pour le MREL, la même base de calcul, en pourcentage de RWA et non en pourcentage de fonds propres.
Pour les G-SIBs européennes, concernées par les deux réglementations, cette harmonisation leur évite de subir deux réglementations distinctes de capacité d’absorption de pertes.
Quelles conséquences pour les banques ?
Face à ces nouveaux dispositifs, les établissements bancaires doivent :
Mettre en œuvre les outils de résolution et de production de reporting, permettant un suivi efficace des ratios MREL et TLAC;
Adapter leurs structures de fonds propres : plusieurs banques, notamment européennes, ont ainsi procédé, avec un franc succès, à des émissions de dettes subordonnées Tier-2 à échéance 10 ans. À titre d’exemples, Crédit Agricole a reçu une demande cumulée d’environ 16,5 milliards d’euros sur son placement de 3 milliards de Tier-2 (plus grosse émission européenne de Tier-2 jamais réalisée). Société Générale a levé 1,25 milliard d’euros et BNP Paribas plus de 1,5 milliards d’euros.
En conclusion, ces deux réglementations imposent un effort significatif pour les banques, en mise en oeuvre et surtout en gestion de bilan. Leur efficacité devra être jugée, en prenant également en compte les impacts sur la stratégie des actionnaires et de leurs créanciers, impactés au premier rang dans la résolution de crise par bail-in.
[1] MREL : Minimum requirement for own funds and eligible liabilities est une norme européenne d’exigence de fonds propres et de passifs éligibles lors des renflouements internes.
[2] TLAC : Total Loss Absorbing Capacity est un mécanisme d’absorption des pertes en cas de défaillance des banques.
[3] Bail-in : Pratique financière qui impose à certains créanciers d’une banque en difficulté une diminution du montant des créances qu’ils possèdent sur l’établissement de crédit ou une conversion de celles-ci en actions de capital. Le bail-in permet ainsi aux banques de se recapitaliser en cas de crise.
[4] Bail-out : Renflouement d’un établissement financier en difficulté, en général par un état, par injection de capitaux propres afin de permettre sa survie et de protéger les déposants et les prêteurs.
[5] L’European Banking Authority est l’autorité bancaire européenne.
[6] Le Single Resolution Board est l’autorité de résolution au sein de l’Union bancaire européenne.
[7] Le Financial Stability Board est un groupement économique international créé lors de la réunion du G20 à Londres en avril 2009.
[8] Global systemically important banks, sont des banques dont les activités sont tellement importantes et variées qu’une hypothétique faillite aurait nécessairement un effet très négatif sur la finance mondiale.
[9] La Bank recovery and resolution directive est une directive européenne qui permet aux banques de procéder au renflouement interne en cas de crise.
[10] Les Risk-Weighted Assets, ou actifs à risques pondérés, correspondent au montant minimum de capital requis au sein de banques ou d’autres institutions financières en fonction de leurs niveaux de risque.
[11] Les Common Equity Tier 1 sont des composants du capital de catégorie 1 constitués principalement d’actions ordinaires détenues par une banque ou une autre institution financière.
[12] Additional Tier 1 consiste en des instruments de fonds propres continus, en ce sens qu’il n’ya pas d’échéance fixe, notamment les actions privilégiées et les titres convertibles à fort contingent.
Les nouvelles réformes engagées sous l’appellation « finalisation de Bâle III », que l’industrie financière nomme déjà « Bâle IV », soumettent les méthodes de calcul des RWA, notamment en ce qui concerne le risque de crédit, à d’importantes modifications.
En effet, en matière de ratio de capital, les apports de Bâle III, applicable depuis 2013, ont porté sur son numérateur (renforcement quantitatif et qualitatif des fonds propres), alors que très peu de modifications ont été apportées à son dénominateur (RWA). L’actuelle méthode de calcul de ce dernier est principalement héritée de Bâle II (2004).
Pourquoi la méthode standard ?
Depuis décembre 2017, le Comité affiche une volonté de faire évoluer le traitement des RWA. Pour ce faire, il prévoit, entre autres, une profonde refonte de la méthode standard du risque de crédit.
L’importance de cette mesure tient avant tout à l’importance de la méthode standard elle-même dans l’usage bancaire. En France, en Europe et à l’échelle mondiale[1], cette méthode est la plus utilisée. Par conséquent, la plupart des acteurs bancaires sont concernés par la mise en œuvre de la nouvelle méthode et devraient s’y préparer.
Les nouveautés
Le texte du Comité de Bâle de Décembre 2017 fixe, avec un important niveau de détail, les nouvelles réformes de la méthode standard. Sans vouloir restituer ici toute la complexité du dispositif, nous abordons ses deux apports les plus novateurs, à savoir :
Même si ces deux éléments ont pour motivation commune le renforcement de la sensibilité au risque, la démarche du comité soulève quelques interrogations sur l’atteinte de l’objectif.
1- Plus de granularité pour plus de sensibilité au risque ?
Le manque de sensibilité au risque est l’une des critiques adressées par le Comité de Bâle lui-même au dispositif actuel. L’objectif des nouvelles réformes est justement de surmonter cette faiblesse.
Tenir compte de la sensibilité au risque sans pour autant complexifier la méthode standard, voilà le défi auquel le Comité a fait face. Pour le relever, il a choisi l’option de la granularité. Concrètement, le Comité estime que la méthode actuelle (héritée de Bâle II) n’associe pas un nombre suffisant de pondérations à certaines expositions, ce qui réduit la sensibilité au risque. La nouvelle méthode, quant à elle, augmente le nombre de pondérations pour beaucoup d’expositions (clientèle de détail, immobilier résidentiel, immobilier commercial…).
Si nous prenons le cas de la clientèle de détail (hors immobilier) nous constatons un niveau de granularité nettement plus important dans la nouvelle réforme (figure 1.2) comparée à la méthode actuelle (figure 1.1) :
Figure 1.1 : Méthode actuelle
Expositions sur la clientèle de détail (hors immobilier)
Pondération
75%
Source : BRI, 2006
Figure 1.2 :
Expositions sur la clientèle de détail (hors immobilier)
Clientèle de détail réglementaire (non renouvelable)
Clientèle de détail réglementaire (renouvelable)
Autres expositions sur la clientèle de détail
« Transactors »
« Revolvers »
Pondération
75%
45%
75%
100%
Source : BRI, 2017
Jusque-là, la granularité évolue bien vers un renforcement de la sensibilité au risque. Cependant, le secteur de l’immobilier, fortement mis en avant par le Comité, soulève question : le Comité introduit le ratio LTV[3] comme critère de pondération. Ce choix est questionnable étant donné son caractère procyclique qui va à l’opposé du renforcement de la sensibilité au risque recherché par le Comité.
Il semble que les leçons de la crise de 2007 n’ont pas été entièrement tirées. Il ne faudrait pas oublier que le marché immobilier américain se trouvait au cœur de cette crise et que le financement d’une partie de ce marché reposait davantage sur la valeur des biens acquis que sur la capacité de leurs acquéreurs à rembourser leurs prêts. Le LTV renforce cette même logique. Quelle est alors la cohérence d’introduire un dispositif comme le LTV dans un cadre prudentiel visant le renforcement de la sensibilité au risque ?
2 – SCRA, autorisation explicite à moins de granularité !
Cette approche est prévue pour les juridictions n’autorisant pas le recours aux notations externes à des fins réglementaires (notamment les Etats-Unis jusqu’à présent) et pour les expositions non notées dans les juridictions permettant le recours aux notations externes. A la différence de l’approche ECRA[4], dont la granularité a bien été renforcée, l’approche SCRA est composée de trois tranches de risque seulement : A, B et C. La figure 3 illustre cela dans le cas des expositions sur les banques.
Figure 2 : Pondération des risques afférents aux banques (ECRA vs SCRA)
Figure 2.1 : Approche externe de l’évaluation du risque de crédit (ECRA)
Note externe de la contrepartie
AAA à AA-
A+ à A-
BBB+ à BBB-
BB+ à B6
Inférieur à B-
Coefficient standard
20%
30%
50%
100%
150%
Pondération des risques afférents aux expositions à court terme
20%
20%
20%
50%
150%
Figure 2.2 : Approche standard de l’évaluation du risque de crédit (SCRA)
Evaluation du risque de crédit de la contrepartie
Tranche A
Tranche B
Tranche C
Coefficient standard
40%
75%
150%
Pondération des risques afférents aux expositions à court terme
20%
50%
150%
En attendant Bâle V ?
Dans le cadre de négociations internationales ayant pour but de bâtir un consensus mondial sur la régulation du système bancaire, il est concevable que les parties fassent des concessions. Néanmoins, les concessions faites dans la version actuelle (probablement finale) de Bâle IV limitent la portée de l’objectif même de la réforme, à savoir le renforcement de la cohérence et de la crédibilité de la mesure des RWA, pour au moins deux raisons :
Le renforcement de la sensibilité au risque afin de rétablir la crédibilité du calcul des RWA et l’introduction pour la première fois du LTV susceptible de décrédibiliser le dispositif.
L’introduction de davantage de granularité avec l’approche ECRA et dans le même temps l’admission du recours à l’approche SCRA qui est moins granulaire !
Ces interrogations seront-elles soulevées lors de la transposition des recommandations du Comité dans le droit européen, afin d’éviter un nouvel accord, probablement Bâle V ? Ou seront-elles ajournées aux prochaines négociations ?
[1] Comité de Bâle sur le contrôle bancaire : Note récapitulative sur les réformes de Bâle III, Décembre 2017. [2] Standardised Credit Risk Assessment Approach. [3] Loan to Value. Ce ratio est égal à : montant de l’emprunt/valeur du bien. [4] External Credit Risk Assessment Approach.
La réforme initiée du cadre prudentiel de Bâle provoque déjà des tensions, entre régulateurs et institutions financières, sur une question en apparence de forme : comment la nommer ?
Les régulateurs parlent d’une « finalisation de Bâle III », alors que beaucoup d’institutions financières y voient déjà « Bâle IV »…
Derrière cet antagonisme de vocabulaire, quels sont les enjeux ? Quelles positions/intérêts s’affrontent ?
En effet, ce débat révèle la préoccupation quant à la continuité ou la rupture du cadre prudentiel en vigueur (Bâle III). L’enjeu pour les institutions financières étant de savoir si les efforts consentis depuis 2010 ne seront pas réduits à néant par l’instauration d’un nouveau cadre prudentiel radicalement différent. Pour les régulateurs, l’objectif est de rassurer le marché sur le maintien du cap actuel.
Un air de déjà-vu !
Ce débat rappelle la longue hésitation au tournant de l’année 2010 entre « réforme de Bâle II », « Bâle 2.5 » ou « Bâle III ». La suite est connue de tous, finalement Bâle III a été bien différent de Bâle II : composition (aspect qualitatif) et niveau (aspect quantitatif, différents coussins compris) des fonds propres, ratios de liquidité…
L’histoire se répéterait-elle ?
Quelques indices
Il est vrai que les nouvelles réformes ne sont pas encore dans le droit positif. Toutefois, le comité de Bâle a publié, à la suite des consultations menées auprès des parties prenantes, un document[1] fixant les principales orientations de la réforme. Il est fort probable que les instances européennes retiennent l’essentiel de ce document, notamment :
La refonte de l’approche standard du risque de crédit: il s’agit de l’épicentre de la réforme. Celle-ci est motivée par une volonté d’accroissement de la granularité des expositions, en vue du renforcement de la sensibilité au risque.
La révision de l’approche de notation interne: les banques ne pourront plus utiliser l’approche interne avancée pour une part importante de leurs contreparties ; elles devront se limiter à l’approche fondation[2]. Le Comité introduit également des floors concernant la perte en cas de défaut et/ou la probabilité de défaut.
La mise en place d’un nouvel « output floor »: il complète les deux mesures précédentes en limitant les avantages tirés par les banques qui utilisent les modèles internes. Concrètement, les RWA calculés par les modèles internes ne pourront être inférieurs à 72,5% de ceux calculés par les approches standards.
Le ratio de levier : la nouvelle réforme introduit un volant supplémentaire au ratio de levier (constitué des fonds propres Tier 1) applicable aux établissements bancaires systémiques mondiaux. Il est fixé à 50% des exigences supérieures de capacité additionnelle d’absorption des pertes.
La revue de la méthode de calcul de la CVA: l’objectif évoqué par le Comité est le renforcement de la sensibilité, de la solidité et de la cohérence de la part des fonds propres qui protège les banques contre les pertes liées aux prix de marché des instruments dérivés, dans le cas d’une dégradation de la solvabilité des contreparties.
L’unification de la méthode de calcul du risque opérationnel: le Comité vise une rationalisation du traitement de ce risque[3], en remplaçant les quatre approches existantes par une seule approche standard. Celle-ci tient compte de l’historique de pertes internes sur 10 ans et facilite la comparabilité des RWA d’une banque à l’autre, en supprimant la possibilité de recours à des approches multiples.
Ces mesures peuvent engendrer deux types d’impacts :
L’alourdissement des exigences en fonds propres: les nouvelles réformes entraineront une hausse des besoins en fonds propres de beaucoup de banques, essentiellement en Europe. Ceci se traduira par des coûts supplémentaires, ou de manière équivalente une baisse de la rentabilité des institutions concernées. Au-delà, le risque peut s’étendre à des effets macroéconomiques négatifs, à une incitation des institutions financières à revoir leurs business modèles ou aux deux en même temps.
Des pertes sèches sur des investissements précédents: outre les coûts futurs précédemment décrits, les grandes institutions financières subiront des pertes sèches relatives à une partie de leur infrastructure opérationnelle développée et mise en place pendant plusieurs années. Ces pertes sont dues à leur incapacité future à utiliser des systèmes qu’elles ont développés pour la méthode interne (notamment l’approche avancée) et le savoir-faire/capital humain qui lui est associé. Les répercussions de ces changements ne se limitent pas à l’aspect financier mais risquent de produire des effets sur les parts de marché et rapports de force entre les différentes institutions au sein des économies et entre elles (notamment entre Europe et Etats-Unis).
Alors, « finalisation de Bâle III » ou « Bâle IV » ?
Regardons juste le calendrier de mise en application des nouvelles réformes (voir Illustration 1) : il s’étend jusqu’en 2022 et même 2027 pour les dispositifs transitoires ; 4 ans pour un simple recalibrage du modèle ? Pour rappel, le passage de Bâle II à Bâle III avait duré moins longtemps (de juillet 2009 à janvier 2013)…
Dans tous les cas et quelle que soit sa dénomination, cette réforme a été entérinée dans ses principales orientations par les gouverneurs des banques centrales des pays membres de la BRI, les banques doivent se préparer à sa mise en place…
[1] Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Bâle III : finalisation des réformes de l’après-crise, décembre 2017. [2] La méthode interne de notation du risque de crédit se compose d’une approche fondation et d’une approche avancée. [3] Comité de Bâle sur le contrôle bancaire : Finalisation de Bâle III en bref, document non daté.
A l’aube de la « période transitoire » qui s’ouvre le 13 janvier, avec l’entrée en vigueur de la directive DSP2, on a un peu le sentiment de pénétrer en territoire inconnu !
Jusqu’ici, la communauté des paiements s’est concentrée sur la cible des normes techniques sous la conduite de l’Autorité Bancaire Européenne et plus particulièrement sur le débat entre API et « Web Scraping ».
A trop regarder la cible de mi-2019, en aurait-elle oublié les exigences à respecter dès le 13 janvier 2018 ?
En effet, c’est bien dès janvier que débute la « période transitoire » prévue à l’article 115 de la Directive, entre la prise d’effet de la DSP2 transposée en droit national et l’application, mi-2019, des normes techniques de réglementation concernant l’authentification et la communication (RTS SCA & CSC).
Certains travaux sont en cours pour préparer cette échéance, tels que :
L’information du client, notamment la mise à jour des conventions de comptes et contrats cartes,
La mise en place et la diffusion de la procédure de réclamation, avec des exigences resserrées de délai et de complétude de réponse et la révision de la franchise (50€ au lieu de 150€),
La mise à jour des tarifs (gratuité des demandes de recherche…) et la gestion partagée des frais entre Prestataires de Paiements,
Le monitoring des incidents et le reporting à la Banque de France sur les incidents majeurs,
L’information du client en cas d’incident susceptible d’avoir des répercussions sur ses intérêts financiers…
Toutefois, il sera compliqué de respecter les exigences de janvier sans remise en cause ou adaptation du « web scraping », actuellement utilisé par les Agrégateurs et Initiateurs de Paiement :
Comment concilier cette solution, basée sur l’appel aux sites de Banque en Ligne des Gestionnaires de Comptes, et les exigences de Janvier ?
Sécuriser les données de sécurité personnalisées de l’utilisateur (identification / authentification),
Limiter l’accès aux informations provenant des comptes de paiement uniquement,
Identifier le Prestataire de Paiements dans les échanges avec le Gestionnaire de Compte.
Les solutions ont certes déjà été discutées dans la communauté, au cœur même des débats sur les RTS SCA & CSC (Open API ou « Web Scraping sécurisé »), mais elles ne s’imposeront aux acteurs que dans 18 mois…
Alors, quelle sera la stratégie des acteurs à partir du 13 janvier ?
C’est donc bien une part d’incertitude qui plane sur la période transitoire, avec sur le fond, la question de l’attitude choisie par les acteurs, Banques et Fintech :
Tolérance et anticipation de la mise en œuvre des solutions discutées, sans attendre l’échéance réglementaire des normes techniques ?
Ou affrontement sur la base des exigences non respectées ?
Les décideurs y répondront, sans doute en revenant à l’esprit de la Directive : créer les conditions d’un nouveau marché, avec de nouveaux services rendus possibles par l’apport de tous les acteurs, dans le respect des conditions de sécurité et de protection pour l’utilisateur.
ls devraient alors y voir de nouveaux territoires à conquérir et privilégier l’initiative, la créativité et la capacité d’adaptation. En un mot : l’esprit de conquête !