Pour mémoire, j’avais qualifié la gouvernance contractuelle de la relation comme un frein à l’innovation, au dynamisme et globalement à la valeur ajoutée du partenariat.
In fine, quand on observe ce qui se passe sur une majorité de contrats d’infogérance on s’aperçoit que :
L’efficacité des dispositifs d’infogérance dépend de l’adaptation des équipes de l’infogérant aux différents métiers client,
Dans un contexte client dynamique et exigeant, c’est la collaboration client-fournisseur qui conditionne un haut niveau de qualité et de valeur ajoutée,
Le passage de la coopération à la collaboration est un enjeu organisationnel pour la DSI et ses partenaires,
Rompre avec la rigidité de l’approche contractuelle traditionnelle permet de mieux collaborer.
1. L’efficacité des dispositifs d’infogérance dépend de l’adaptation des équipes de l’infogérant aux différents métiers
Encore trop de dispositifs infogérance ont une organisation calquée sur la structure du contrat.
Les différentes parties prenantes d’un projet d’externalisation informatique, considèrent le plus souvent que l’infogérance doit apporter des réponses standard sur la base d’un modèle d’opération industriel / optimisé. S’engager sur ce terrain, c’est oublier l’autre moitié de l’équation du projet d’infogérance : les métiers. En effet, si les réponses doivent être le plus standard possible, cela n’exclut pas pour autant de considérer la spécificité des besoins client au regard des différents métiers.
Des équipes face aux métiers
Face à une diversité de métiers – studios de design, laboratoires de recherche, usines de fabrication ou d’assemblage, fonctions support au sein des sièges, magasins ou agences commerciales, entrepôts logistiques, … – c’est l’adaptation des collaborateurs et de l’organisation de l’infogérant – équipes par équipes face aux différents métiers – qui fera l’efficacité du dispositif infogérance.
2. Dans un contexte client dynamique et exigeant, c’est la collaboration client-fournisseur qui conditionne un haut niveau de qualité et de valeur ajoutée
Depuis que l’on a mis en place ces processus ITIL à la noix, plus personne ne se parle…
Un DSI du CAC40
Certaines entreprises font le choix de l’infogérance pour confier un périmètre maîtrisé et statique afin qu’un fournisseur spécialisé le gère mieux et pour moins cher. Dans un contexte où la transformation digitale est partout et constitue un réel levier d’adaptation / de conquête business, de nombreuses entreprises sont cependant à l’initiative et les infogérants doivent aujourd’hui faire face à des contextes de plus en plus dynamiques et exigeants.
La collaboration comme levier d’adaptation
Dans des environnements dynamiques, en perpétuel changement, les dispositifs infogérance en silos et/ou basés sur des processus rigides ne peuvent donc absolument plus répondre aux objectifs de qualité et de valeur ajoutée attendus par les DSI et les métiers. D’ailleurs quels seraient les bénéfices des différentes transformations agiles et digitales menées par les entreprises si les infogérants devenaient le maillon faible de la chaîne d’agilité ?
Face à ce challenge, la collaboration client-fournisseur est un levier d’adaptation via le partage d’objectifs mobilisateurs et non plus via la « simple » répartition de tâches décrite dans les modèles d’organisation « RACI » que l’on trouve dans des PAQ (Plan d’assurance qualité) à l’applicabilité discutable dans un contexte où rien n’est plus figé.
Sur la base de mon expérience, et afin d’illustrer mon propos avec quelques exemples, j’ai noté que la collaboration client-fournisseur se produit quand :
les différents groupes de support (ceux des infogérants et ceux des clients), collaborent dans une logique de solidarité, d’apprentissage mutuel et de travail d’équipe,
clients et fournisseurs font évoluer de concert les processus opérationnels clés dans une logique d’amélioration continue, de cadrage et recadrage permanent ainsi que de maintien mutuel de l’outillage de ces processus,
le niveau d’échange et d’interaction entre clients et fournisseurs prend de la hauteur,
l’implication au coté des métiers est permanente dans une logique de gestion des attentes et d’adaptation aux spécificités, de revues régulières de coordination, de capitalisation / de diffusion des bonnes pratiques
3. Le passage de la coopération à la collaboration est un enjeu organisationnel
Pour la DSI et ses partenaires
La coopération implique que les acteurs internes de la DSI interagissent
dans un but commun avec leurs partenaires mais en se partageant les tâches.
La collaboration s’opère sans division fixe des tâches mais selon un partage d’objectifs qui remet parfois en cause les frontières organisationnelles internes à la DSI mais aussi externes vis à vis des fournisseurs.
Les modalités d’une collaboration efficace et structurée :
Faire le mieux possible avec les ressources disponibles : dans un environnement exigeant et contraint, la collaboration client-fournisseur associe capacités de création et d’initiative et doit s’appuyer sur la motivation, la disponibilité et les compétences de chacun quelle que soit son appartenance : DSI ou infogérant.
S’engager dans une logique d’amélioration continue : les nombreux et fréquents échanges entre les acteurs de la DSI et ses partenaires déclencheront des opportunités d’amélioration continue dont il faudra tirer partie dans des environnements où les contraintes ne facilitent pas forcément des logiques d’amélioration en rupture.
Paralléliser le travail des différentes équipes : organiser le travail en séquences de tâches parallèles pour plus de proactivité et des résultats rapides qui concourent à des buts communs.
Les différents acteurs doivent se parler pour se synchroniser : pour être efficaces, les acteurs de chacune des tâches devront partager des informations utiles et facilement exploitables sur les autres tâches parallèles.
4. Rompre avec la rigidité de l’approche contractuelle traditionnelle permet de mieux collaborer
Le mariage est un contrat social souvent incompatible avec le grand amour
Tahar Ben Jelloun
Si passer de la coopération à la collaboration semble séduisant sur le papier, comment se « dégager » d’une approche contractuelle qui installe durablement DSI et infogérants dans une coopération où innovation, dynamisme et valeur ajoutée sont le plus souvent absents ?
Principaux bénéfices d’une gouvernance collaborative pour une DSI :
Sans tomber dans une vision trop idyllique de la gouvernance collaborative, on peut cependant noter les bénéfices suivants :
Flexibilité et rapidité dans la résolution des problèmes et la réponse aux enjeux métiers
Adaptabilité aux changements face à des besoins internes ou liés à l’environnement externe
Capacité pour la DSI de garder le contrôle sur les événements et de les « comprendre »
Enfin, c’est aussi un excellent moyen pour cheminer vers plus d’agilité métier, plus de satisfaction des utilisateurs et une meilleure image de la DSI.
Par où commencer ?
Tout d’abord il ne faudrait surtout pas opposer gouvernance contractuelle et gouvernance collaborative : il faut d’abord obtenir de bons résultats via la gouvernance contractuelle pour progressivement se détacher de la « logique contractuelle » afin d’aller vers plus de « logique relationnelle ». Le juste équilibre entre ces deux logiques étant d’ailleurs un enjeu clé pour le partenariat. Adresser cet enjeu nécessite une bonne dose de pragmatisme en fonction des situations rencontrées.
Ainsi, l’analyse portera tout d’abord sur la maturité du partenariat en fonction des objectifs restants à atteindre : amélioration de la performance, relance d’une dynamique de progrès, développement du partenariat, mise en oeuvre d’innovations. On évaluera ensuite où l’on se situe sur l’axe contractuel : en rupture, sous le coup de pénalités ou dans un mode de pilotage « normal ». Les évaluations porteront enfin sur l’axe relationnel : confit, neutralité ou dialogue équilibré. Chacun des paramètres du partenariat devra alors être finement « réglé » dans le cadre des instances et des mécanismes de pilotage de la relation : revue de la performance quotidienne, comités techniques, comités de pilotage, comités stratégiques, identification et mise en oeuvre des plans de progrès, gestion des litiges et des crises, et enfin contract management.
Pour conclure
La gouvernance contractuelle est indispensable et prépondérante au démarrage d’un contrat d’infogérance afin de s’assurer que les engagements contractuels soient tenus. La gouvernance collaborative doit ensuite progressivement prendre le pas sur la gouvernance contractuelle afin d’engager une dynamique de progrès et développer le partenariat dans le but d’être plus efficace dans la recherche de solutions, de s’engager dans une logique d’amélioration continue et développer l’agilité métier. A chacun d’analyser sa situation spécifique – contrat par contrat – et d’adapter ses plans d’actions en matière de pilotage des services et de gestion de la relation fournisseur.
Sourcing & Architecture : 2 stratégies complémentaires au service de la performance
Nombreux sont les clients qui, à l’occasion de leurs projets d’externalisation, découvrent leur patrimoine applicatif. Celui-ci constitue pourtant un des éléments de calcul des coûts associés aux contrats de prestations négociés avec les fournisseurs. Comment tirer parti des opérations d’externalisation pour rationaliser son patrimoine applicatif ? et réciproquement… Entretien avec Franck Gerbier et Jean-Michel Goubert, directeurs associés de Rhapsodies Conseil.
Qu’est-ce qu’une stratégie de Sourcing efficace ?
Dans un marché fait principalement de renouvellement de contrats, nombre d’entreprises externalisent sans objectifs clairement définis ni partagés et n’ont pas toujours une vision claire de la réalité de leurs coûts.
Au-delà de la problématique unique des coûts, il est nécessaire d’identifier l’ensemble des objectifs poursuivis pour définir une stratégie de sourcing efficace (rationalisation des prestataires, recentrage sur un coeur de métier, accélération de la montée en compétences vers de nouvelles technologies, évolution vers le cloud, etc.) Il est aussi indispensable d’établir un état des lieux de la situation selon différents axes ; qualitatif, technique, financier et organisationnel. C’est la parfaite connaissance de la situation existante et la définition précise de la cible à atteindre qui permettront de définir la stratégie de sourcing gagnante.
Découvrez l’intégralité de l’entretien Sourcing & Architecture paru dans dans le dossier spécial « Conseil & Finance » de la revue de Polytechnique La Jaune et la Rouge.
Le marché de l’externalisation est devenu plus mature et les DSI beaucoup plus expérimentées sur la base des différentes générations de leurs contrats d’externalisation. Les enjeux d’hier : préparer / lancer un appel d’offre et contractualiser les services sont aujourd’hui perçus comme moins sensibles en dépit de nouveaux enjeux tels que le multi-sourcing, les renouvellements de contrats forcément plus fréquents et les nouvelles approches de delivery (Cloud, Devops, Agilité, SDA/RPA,…).
Néanmoins et en dépit de la maturité du marché, les difficultés à capter toute la valeur ajoutée des projets d’externalisation informatique n’ont pas diminué et ce d’autant plus que les durées cumulées des différents contrats s’allongent … Au-delà du RFP et du contrat quels sont donc les écueils que l’on rencontre dans les projets d’externalisation informatique ? Sur la base de mon expérience et des échanges que je peux avoir avec mes clients, j’identifie quatre type d’écueils :
Ecueil n°1 : pas de stratégie de sourcing pertinente
On peut presque tout externaliser mais pas n’importe comment ni avec n’importe qui…
Les motivations à externaliser un périmètre donné devraient théoriquement être toujours déterminées par l’objectif de le faire progresser dans différentes dimensions (coûts, qualité, flexibilité,..). Une fois tranchée la question des grands domaines susceptibles d’être externalisés, se posent des questions de stratégie de sourcing plus opérationnelle et leurs lots d’écueils potentiels :
Les axes de progrès recherchés (organisation, finance, technique,…) ne sont parfois pas formalisés et/ou partagés : difficile dans ces conditions de mesurer la valeur de tels projets et surtout d’empêcher les différentes parties prenantes d’être en situation d’insatisfaction quasi-permanente,
Dans certains cas, les leviers de progrès / d’optimisation indispensables et adaptés sont incompatibles avec la politique de l’entreprise ou bien les transformations organisationnelles à mener ne sont pas traitées dans le cadre du projet d’externalisation. En conséquence des projets souvent pertinents se retrouvent « plantés » en raison d’un modèle de sourcing inadéquat ou d’une gouvernance qui n’a pas été adapté. C’est dans ces situations que l’on voit des appels d’offres qui posent les mauvaises questions au marché,
Pire encore, l’appel d’offre pose les bonnes questions mais aux mauvais acteurs … C’est la meilleure manière d’externaliser un périmètre à un fournisseur qui n’a pas les leviers (industriels, méthodologiques, humains,..) pour faire progresser ce périmètre. C’est un cas que l’on voit relativement souvent quand un donneur d’ordre n’est pas si mature que cela et finit par signer un contrat avec un fournisseur aussi peu mature que lui mais avec qui le niveau d’échange est très bon mais les promesses rarement tangibles …
Ecueil n°2 : un gouvernance contractuelle de la relation
Quand on n’a qu’un marteau comme outil, tous les problèmes ressemblent à des clous…
Ou quand la relation client-fournisseur n’est vue qu’au travers du prisme du contrat signé – on parle alors de gouvernance contractuelle de la relation – tous les aspects de la relation client-fournisseur semblent régis par le contrat avec les écueils suivants :
Sans surprise, les gestionnaires de contrats côté fournisseurs finissent assez rapidement par se prendre pour les gestionnaires de la relation client mais avec un niveau d’échange limité aux enjeux de delivery, des interlocuteurs côté client centrés sur le pilotage du contrat et une tendance à ne pas laisser approcher les commerciaux et autres gestionnaires de comptes de ce qu’ils considèrent être leur périmètre. En conséquence, aucune promesse implicite (non contractualisée) n’est généralement tenue (exemple l’innovation) et le dynamisme dans la gestion du contrat / de la relation n’est souvent pas au rendez-vous.
Dans le contexte d’une gouvernance contractuelle de la relation le niveau des échanges conditionne le niveau des interactions. Ainsi l’on parle plutôt d’une relation de coopération et d’un partage des tâches que d’une relation de collaboration où ce sont les objectifs qui seraient partagés. Les incidences sont concrètes et directes, avec par exemple dans le cas de la coopération, un pilotage via un certain nombre de revues d’évaluation de la performance et pour la collaboration un certain nombre de revues de synchronisation … Ça fait toute la différence et c’est le début de relations client-fournisseur plus équilibrées / plus productives.
Ecueil n°3 : des services non centrés sur les utilisateurs
Les services sont produits au moment où ils sont consommés. On ne peut donc jamais s’affranchir de l’utilisateur…
Si les utilisateurs sont souvent les derniers à découvrir ce qui a été prévu pour eux dans un contrat d’externalisation, ils sont généralement les premiers à être impactés quand les services ne leur conviennent pas. Autant l’équation de services centrés sur les utilisateurs est simple à poser « adéquation aux besoins + attitudes + performance + valeur ajoutée », autant la promesse est difficile à tenir dans le cadre des projets d’externalisation. Je ne connais pas de méthodes scientifiques pour réussir ce challenge mais recommande trois principes d’actions de bon sens :
Impliquer les utilisateurs dans la définition du catalogue de services. C’est simple quand la maîtrise d’ouvrage est structurée, c’est difficile et souvent inefficace quand c’est la maîtrise d’oeuvre qui s’en charge et présume des besoins des utilisateurs,
Ne pas trop stéréotyper les prestations et veiller à garder de la flexibilité dans le modèle de delivery,
Enfin, concevoir des services certes industriels mais sans jamais les déshumaniser.
Ecueil n°4 : modèle d’opération inadapté
Ce n’est pas en faisant les choses de la même façon que l’on obtient des résultats différents…
Pour faire progresser les périmètres externalisés dans différentes dimensions (coûts, qualité, flexibilité,..), le fournisseur doit transformer le ou les modèles d’opération existants à l’aide de leviers de transformation dont son client ne dispose à priori pas.
Mais dans certains cas, le modèle d’opération cible n’est pas adapté aux progrès attendus et ce pour trois raisons principales :
Le projet d’externalisation a prévu une phase de transition des services vers l’infogérant mais n’a tout simplement pas prévu de phase de transformation.
Dans d’autres cas, un projet de transformation a bien été prévu dans le projet d’externalisation mais à l’usage, les leviers de transformation se révèlent inapplicables où bien le projet de transformation ne va pas au bout pour d’autres raisons (souvent des raisons de complexité, de coûts du projet ou de maturité de l’équipe en charge de la transformation).
Parfois c’est le client qui ne collabore pas suffisamment au projet de transformation avec son infogérant…. rarement volontairement mais souvent pour des raisons de gouvernance interne.
Dans les trois cas, le résultat est problématique car l’infogérant n’a tout simplement pas les moyens de tenir ses promesses avec un modèle d’opération inadapté / non transformé.
A titre d’illustration, on peut noter le cas de grands groupes qui externalisent – pour les faire converger – leurs différents Service Desk (filiales / pays) vers un infogérant unique. Dans de nombreux cas la « transformation » s’arrête à la transition des différents périmètres vers le fournisseur choisi. Très peu de rationalisations sont finalement menées et la capture des gains liés à la mutualisation de ressources et à l’utilisation de processus et d’outils communs demeure un vœu pieu.
Et pourtant tout s’annonçait si bien…
Syndrome du Titanic ?
Pour finir, les 4 écueils précédemment évoqués partagent avec l’histoire du Titanic et de son iceberg fatal, les 2 caractéristiques suivantes :
Ces écueils sont potentiellement dans le chemin critique du succès du projet d’externalisation avant le démarrage du projet,
Une fois le projet lancé, ces écueils sont difficiles à éviter / contourner.
En guise de conclusion : quelle que soit votre maturité en matière d’externalisation, il est toujours aussi crucial et difficile d’acheter les bonnes promesses et de faire en sorte qu’elles soient tenues dans la durée.