Le service Cloud d’Amazon, AWS, a été victime récemment d’une panne majeure de son service de stockage simple nommé S3. Cette brique technique est très populaire et répandue pour implémenter des applications ou services hébergés chez AWS. Pour vous donner une idée de l’ampleur de son utilisation depuis son lancement en 2006, ce service permet aujourd’hui de stocker des dizaines de milliards d’objets. D’autres briques techniques chez Amazon peuvent s’appuyer sur ce stockage pour fonctionner comme le service Elastic Compute (EC2), Elastic Block Shop et Lambda. Cette panne de service a eu donc pour effet d’engendrer des perturbations majeures pour plusieurs applications hébergées chez AWS :
La messagerie instantanée Slack
Le service de stockage en ligne Box
Le service de livraison des pizzas Dominos
Les sites web communautaires Reddit et BuzzFeed
Heureusement la cause de l’incident a vite été repérée et corrigée par l’hébergeur. En revanche, elle a tout de même engendré des indisponibilités de plusieurs heures pour certaines de ces applications. Est-ce que les entreprises ayant pris la décision de faire appel à du Cloud Public doivent pour autant entrer en mode panique et rapatrier leurs applications et données chez eux ? La réponse est NON bien entendu. Amazon a rapidement communiqué que la nature de la panne du service S3 était due à une erreur humaine déclenchée par un employé ayant toutes les autorisations et qui aurait soumis une commande manuelle avec de mauvais paramètres. De plus, l’impact de la panne se limitait uniquement au « datacenter » de la région Virginie située sur la côte Est des Etats-Unis. Une telle erreur aurait pu donc se produire n’importe où, chez n’importe quel fournisseur d’hébergement y compris dans vos propres « datacenters ».
Cet incident nous rappelle seulement qu’il ne faut pas se fier uniquement à la résilience de la couche infrastructure Cloud, même chez le leader du marché, pour garantir une haute-disponibilité. Il est bon de rappeler ici que les engagements de service (SLA) pour la brique S3 ne sont que de 99,99%. Ceci signifie tout de même une indisponibilité potentielle de 87,5 heures pour une année ! Le fournisseur de service de vidéo en ligne Netflix est aussi hébergé chez AWS et il a pourtant été épargné par la panne du service S3. Une étude réalisée en interne en 2014 avait permis d’estimer une perte de 200 000$ de chiffre d’affaires pour une heure d’arrêt de la plateforme. Nous pouvons donc estimer qu’en 2017 le coût total d’une panne de 4 heures aurait pu leur coûter plus d’1 million de dollars. Ceci est sans compter l’impact négatif sur la réputation et image auprès de leurs usagers qu’une telle panne aurait pu occasionner . En tenant compte de ces besoins, les architectes techniques de Netflix ont conçu une architecture cloud résiliente basée sur plusieurs zones AWS. Ceci leur permet donc d’éviter toute perte de service en cas de panne ou incident et d’avoir un meilleur SLA que les 99,99% promis par le fournisseur.
L’impact financier de l’arrêt de votre application métier est probablement moindre que celui de Netflix. Vous n’avez peut-être pas non plus un fournisseur Cloud ayant plusieurs « datacenters » dans différentes régions comme peut l’offrir AWS. Pour autant déployer vos applications sur du Cloud Computing ne vous affranchit pas du tout des services d’un architecte technique, au contraire ! Celui-ci, s’il déroule une démarche prenant compte des besoins métiers et des exigences non fonctionnelles, saura vous proposer des scénarios d’architectures résilientes. L’architecture finale sera plus chère et complexe sans doute. Il ne faut pas oublier dans ce cas d’estimer l’impact et la probabilité d’une perte de service avant d’évaluer si ces coûts supplémentaires en valent la chandelle.
Sources d’information pour incident AWS S3 survenu en mars 2017 :
Déployer des applications Saas sur Cloud Public est devenu très populaire chez certaines Directions Métiers en France. Tout ceci pourrait être amené à changer avec la nouvelle directive Européenne (GDPR) sur la protection des données personnelles qui entrera en vigueur en 2018. En effet cette réglementation exige une très forte gouvernance des fournisseurs hébergeant ces données. Le risque de recevoir une pénalité de 4% de son chiffre d’affaire mondial en cas de non-conformité pourrait donc inciter certaines Entreprises à demander à leur DSI de reprendre l’initiative.
Ce n’est donc pas un hasard de calendrier si l’ANSSI (Agence Nationale de la sécurité des systèmes d’information) a créé conjointement avec son homologue allemand (BSI) un nouveau label nommé European Secure Cloud (ESCloud). Une première version du référentiel des exigences a été publiée en décembre 2016. Elles couvrent les aspects suivants :
Mener une politique de sécurité en regard d’analyse de risques. Celle-ci devant être faite périodiquement pour une même application.
Avoir un responsable de sécurité de l’information, un responsable de la donnée personnelle et un responsable de la sécurité physique de ses installations.
Avoir un plan de sensibilisation à la sécurité au niveau ressources humaines : charte éthique, formation, gestion et capitalisation de la connaissance.
Avoir une politique de contrôle et droits d’accès pour ses bâtiments et certaines zones plus sensibles.
Avoir une cartographie de son SI au niveau infrastructure à jour.
Encrypter les données sensibles et chiffrer les flux. Hacher les mots de passes pour ne pas qu’ils soient accessible en clair.
Avoir une politique de sécurité pour prévenir et surveiller les failles: journaux d’évènements horodatés, analyse du code source si possible, tests d’intrusion fréquents, …
Avoir une politique de gestion des incidents de sécurité y compris de manière préventive.
Avoir une convention et un respect des engagements avec les sous-traitants participants à la mise en œuvre du service.
Garantir une localisation, un traitement des données et une gestion des opérations du datacenter au sein de l’Union Européenne.
Autoriser un organisme certifié par l’ANSSI à venir l’auditer et vérifier le respect de ses exigences.
Pour ceux qui douteraient de l’importance d’avoir un fournisseur de confiance, voici quelques chiffres 1 :
81% des entreprises françaises se sont dit victimes d’une cyberattaque en 2015.
Se remettre d’une violation de sécurité coûte en moyenne 800 000€.
9 semaines sont nécessaires en moyenne pour corriger une faille de sécurité.
35% des incidents de sécurité auraient été généré (parfois malgré eux) par les collaborateurs de l’hébergeur de ces données.
La plupart de ces exigences étaient déjà incluses dans les principales normes de sécurité reconnues par le marché : ISO-27001, SOC1, SOC2, CSA-CSM. L’effort à fournir pour obtenir ce label (GDPR) est donc faible pour les fournisseurs qui avaient déjà obtenu les principales certifications. C’est cependant une bonne chose d’avoir créé un label Européen pour rassurer les entreprises du vieux continent. En effet, que veulent les Directions Générales et les DSI ? Avoir l’engagement que le fournisseur de l’hébergement pourra assurer la sécurité de leurs données et que celles-ci ne vont pas se retrouver aux mains d’un concurrent, d’un gouvernement étranger ou d’une organisation malveillante. Ces entreprises veulent maîtriser le droit d’accès à ces données et ont besoin de partenaires qui accepteront d’être transparents et de partager la responsabilité de conformité sur la protection des données.
Au moment où nous rédigeons ces lignes, seuls 3 fournisseurs de services cloud ont fait la demande du label. Cependant il est fort à parier que tous les principaux acteurs du marché tenteront à moyen terme de décrocher ce précieux Graal qui leur facilitera l’accès au marché des entreprises européennes. Les entreprises françaises utilisaient jusqu’à maintenant très peu le Cloud et principalement pour du stockage ou des services de messagerie en mode SaaS. La plupart d’entre elles mettaient en avant les risques liés à la sécurité comme frein à son utilisation. L’obtention de ce nouveau label Européen est donc un pas en avant pour permettre de gagner la confiance des décideurs.
Pour conclure, il est fort à parier que nous devrions observer une hausse de part de marché des offres IaaS et PaaS sur Cloud Privé et voir une baisse de celui sur Saas déployé sur Cloud Public. Les DSI n’ont plus d’autre choix que de reprendre le contrôle de ces environnements. La part de « Shadow IT » dans les entreprises devraient donc diminuer aussi significativement. Le risque de recevoir une pénalité de la CNIL étant trop grand en cas de non-conformité à la GDPR.
1 : D’après l’article « Cybersécurité : Cinq chiffres clés à connaître »
En tant qu’architecte d’entreprise, l’agilité fait partie intégrante de ma vie et des projets depuis déjà quelques années. Mais qu’il est difficile de s’y retrouver dans tout ce qui est, ou se prétend, Agile. Alors comme tout bon architecte d’entreprise, j’ai commencé par faire un état des lieux : une cartographie.
Attention : ici je ne parlerai pas de technologies (chaque chose en son temps) mais bien de méthodes et d’approches.
Agilité, vaste monde !
L’agilité tout le monde en parle mais qui en fait vraiment ? De quelle agilité parle-t-on ? De méthodes Agile ? Plutôt que méthode, les termes utilisés sont plutôt culture, approche, mouvement ou courant Agile. L’agilité est mise à toutes les sauces : pour faire de l’innovation, de la gestion de projet, des modes de déploiement mais aussi pour le management d’entreprise.
Et l’agilité s’appuie sur des techniques plus anciennes comme le Lean, qui intègre Kanban et Kaizen.
Certains ont imaginé une carte de l’ensemble des pratiques Agile (voir ci-dessous) ressemblant au métro de Londres. J’avoue qu’avant j’étais un peu perdu, maintenant je suis complètement noyé !
Donc afin de simplifier et de présenter les pratiques d’un point de vue « Externe » à l’agilité, j’en propose une autre :
4 catégories pour s’y retrouver :
Le niveau entreprise : l’agilité a pour vocation de conquérir toute l’entreprise et de proposer de nouveaux modes de management
L’innovation : comment s’organiser pour trouver des solutions innovantes, des produits adaptés aux utilisateurs ?
Equipes et Projets : le Manifeste Agile et la méthode Scrum notamment rentrent dans cette catégorie, pour les projets de petite et moyenne taille. Utilisables par tous les projets mais surtout appliqués dans les projets IT à ce jour
Build et Opération: ensemble des méthodes et des techniques permettant d’implémenter dans le SI les produits délivrés par les projets
En parallèle, une catégorie « Techniques et Ateliers » est identifiée pour rassembler l’ensemble des techniques d’animations proposées dans le cadre de l’agilité et définir leur utilité.
Nous avons choisi de présenter ces 4 catégories dans un ordre qui part de l’innovation, puis des équipes et projets pour aller vers l’implémentation de leurs produits dans le SI en finissant par le déploiement de ces approches au niveau de l’entreprise.
L’innovation
Avec les nouvelles technologies et les nouveaux usages, sont apparues des techniques permettant de faire émerger l’innovation. Ces techniques mettent au centre de ces approches les utilisateurs des futures solutions et produits. Ces démarches sont souvent itératives et donc correspondent bien à la gestion des projets en agilité.
L’apport de ces démarches est de « se mettre à la place de ». Le concepteur de solution doit apprendre à penser comme la personne pour laquelle il doit bâtir une solution. Tous les concepteurs ou les MOA se sont plaints un jour que « le métier » ou « le client » ne savait pas exprimer son besoin. Le problème se résout de lui-même avec ces techniques. Basées sur les interactions avec les futurs utilisateurs, les personnes dont le métier est de concevoir peuvent comprendre voire anticiper leurs attentes.
L’innovation ne peut pas être encadrée ou commandée. Des principes d’innovation et les conditions pour créer de l’innovation peuvent être identifiées et donc mis en place rapidement pour sortir des anciens modes de conceptions de solution.
Méthodes et approches : Human-centered design, Design Thinking, Innovation game
Equipes et projets
Un changement de paradigme complet dans la manière de gérer les projets est apparu avec les approches Agile. SCRUM est la méthode de gestion de projet Agile la plus connue mais il en existe d’autres.
Cette approche a radicalement changé la manière de conduire des projets, le traditionnel « cycle en V », et de produire des résultats. On avance par itération, par incrément. Finis les effets tunnels. Les résultats sont rapidement concrétisés et il est possible de réagir au fur et à mesure.
Les projets en mode agile permettent d’adapter les produits au fur et à mesure de l’avancement du projet et de la réflexion.
Ces approches ont apporté de grands changements dans les méthodes de travail avec des réunions plus courtes mais plus fréquentes (tous les matins !), du management visuel, des capacités d’adaptation et d’auto-organisation qui sont à l’inverse des habitudes de management des anciens projets et de tous leurs travers.
Mais surtout ces approches ont entamé une révolution culturelle car elles font travailler ensemble de manière régulière et rapprochée des équipes, des spécialités qui ne se côtoyaient que peu ou rarement. Ces différents métiers ne se comprenaient pas ou mal. Les faire collaborer est toujours un challenge mais qui conduit à des résultats très concrets.
Méthodes et approches : Scrum, eXtreme Programming, Rapid Application Development, Domain Driven Design, Disciplined Agile Delivery, Dynamic systems development method (DSDM), Crystal Clear, le Manifeste Agile
Build et opération
Un des principes des projets en agilité est de pouvoir livrer régulièrement des incréments de valeur. Le but premier est de pouvoir tester ces incréments au fur et à mesure et de vérifier qu’ils satisfont l’utilisateur final. Dès lors, ces produits partiels (fonctionnels) peuvent être mis en production sans attendre la fin de l’ensemble des sprints.
Encore faut-il que le SI soit prêt à supporter ces mises en production régulières. Il est nécessaire de mettre en place des usines logicielles permettant de produire, tester, mettre en production et maintenir en fonctionnement les produits dans les meilleurs délais. Pas question d’attendre plusieurs semaines ou mois avant de mettre en production un produit prêt.
Les phases de validation, tests, recettes, peuvent être très consommatrices de temps. Elles doivent donc être anticipées et automatisées au maximum pour atteindre une vraie industrialisation. Les gains de temps et de qualité atteints grâce aux équipes et projets ne sont ainsi pas perdus dans les étapes de tests et de mise en production.
Les équipes IT ont mis en place des stratégies qui permettent, dès le début des projets, de prévoir ces futures étapes. Les tests sont identifiés dès le départ et sont automatisés. On parle d’intégration continue, de déploiement continu, de livraison continue.
Et une fois les produits en production, il faut les maintenir et les exploiter. L’approche DevOps (qu’on peut définir en quelques mots par l’agilité pour les opérationnels) devient de plus en plus utilisée aujourd’hui. Cette approche illustre bien le passage sans heurt de la conception des solutions vers leur mise en production et leur exploitation. Les équipes d’opération et de développement travaillent ensemble, et non plus en campant sur leurs positions respectives : « je n’ai pas les documents pour assurer la maintenance », dixit la maintenance, « je ne sais jamais quels documents ils veulent », dixit les développeurs.
Méthodes et approches : Le test-driven development (TDD), Behavior Driven Development (BDD), Continuous delivery, Continuous deployment, Mikado Method, devops
Le niveau entreprise
Faire travailler des équipes en mode agile suppose de la responsabilisation et de l’autogestion. Le reste de l’entreprise, et notamment le management, ne peut continuer à fonctionner comme avant au risque d’être contre-productif.
En agile, c’est l’équipe (via notamment le Product Owner) qui est responsable de son produit, le rôle du manager n’est plus alors de décider ce qui doit être fait.
Le manager change de rôle et c’est un vrai changement culturel. Les hiérarchies actuelles n’ont pas du tout été formées à ces approches. Le manager devient un facilitateur, celui qui met dans les bonnes conditions, c’est aussi un vrai relai d’information dans les 2 sens (vers l’équipe mais aussi vers le reste de l’entreprise).
Comme tout changement, il entraine des pertes de repère, de la résistance au changement et donc il doit être maitrisé et accompagné. Plusieurs méthodes, modèles et approches démontrent les bénéfices que l’on peut en tirer sans en nier les difficultés.
Méthodes et approches : Agilité à l’échelle (SAFe, LeSS, Spotify, Nexus), Management 3.0
Les ateliers
Un des principes fondateurs de l’agilité est la co-construction. A ce titre de nombreux types d’ateliers de travail existent. Ils ont pour but de faire réellement travailler ensemble les personnes au sein des équipes, de développer les « softskills » (compétences humaines) mais aussi produire des résultats : produits, plannings, études d’impacts etc. Le nombre d’ateliers et de variantes est infini, même si environ une quarantaine de techniques d’animation se détachent. Nous proposons un regroupement sur 8 thématiques :
Icebreaker : idéal pour se lancer quand les gens ne se connaissent pas ou peu.
Intelligence collective : démontrer la force de la collectivité mais aussi ses manières particulières de fonctionner
Planification (et volumétrie) : construire ensemble des plannings, faire des estimations
Définition de cible : vers où voulons nous aller ensemble, qu’est-ce qu’il est réaliste de proposer ?
Impacts et trajectoire : comment aller vers la cible, quels sont les impacts des changements proposés ?
Priorisation des travaux : décider ensemble de ce qui est prioritaire
Conception de produit : orienter vers l’innovation et la recherche de solutions
Team building : construire des équipes qui savent travailler ensemble et communiquer efficacement
Ces ateliers peuvent être utilisés individuellement mais surtout en combinaison pour atteindre encore plus rapidement et efficacement l‘effet recherché. La durée varie de 15mn à 3j.
Intenses et efficaces, ces ateliers permettent de débloquer des situations et de remettre du lien dans des équipes, de les remotiver pour leur travail : un icebreaker, puis un teambuilding avant de faire de l’innovation et de la priorisation. Le tout en une journée. L’équipe en ressort non seulement remotivée mais surtout avec des résultats concrets et directement utilisables dès le lendemain
Une fois ce paysage posé, l’agilité peut effectivement être identifiée un peu partout dans l’entreprise.
Les architectes d’entreprise en tant que garants de la vision d’ensemble du SI doivent accompagner ce mouvement et y prendre part. Plusieurs niveaux vont être abordés dans notre série « Architecture d’entreprise et Agilité » :
Chapitre 2 : détournement de valeur. Toutes les fausses ou contre-vérités entendues à propos « des projets Agile »
Chapitre 3 : comment l’architecte d’entreprise peut aider à concevoir et entretenir un « SI Agile »
Chapitre 4 : comment les architectes d’entreprise (mais aussi les autres) peuvent interagir avec les projets en agilité.
La fonction Architecture évolue souvent de manière cyclique : animatrice des transformations de l’entreprise un jour, décriée et sans ressources le lendemain; tel le phœnix elle doit souvent renaître de ses cendres. Ces cycles ne sont pas inéluctables, pour peu que l’architecte sache résoudre cette équation : se montrer indispensable et préserver son existence.
En matière de système d’information, le rôle de l’Architecte est régulièrement discuté, remis en cause et doit en permanence être justifié. Pourtant, dans le secteur du bâtiment, aucun promoteur sensé n’envisagerait de se passer d’un Architecte, garant à la fois de la bonne réponse de l’ouvrage à ses besoins, mais aussi de sa conformité et de son évolutivité.
Dans nombre d’entreprises, nous voyons naître une fonction d’Architecture soit à l’occasion d’un grand programme de transformation, soit parce que la complexité du SI ou simplement le déficit de connaissance de celui-ci rend son évolution difficile et coûteuse. Dès lors, l’Architecte est reconnu comme le messie qui va résoudre tous les problèmes et réaligner le SI avec les enjeux stratégiques de l’entreprise.
Pour autant, une fois ces tâches réalisées avec efficacité, son existence sera remise en cause et éventuellement sacrifiée sur l’autel des réductions budgétaires ou simplement de la volonté de réduire son influence.
Ainsi, selon un cycle plus ou moins long, les fonctions Architecture alternent des périodes de forte influence et d’autres de désintérêt. L’Architecte, comme nos amies les abeilles, doit composer avec ce paradoxe : être indispensable tout en luttant pour sa survie.
Certaines entreprises ont démontré que ces cycles ne sont pas inéluctables et la bonne nouvelle est que l’Architecte lui-même dispose des clés de son succès :
L’apport permanent de valeur ajoutée
Il en va en théorie de toute fonction de l’entreprise, mais c’est encore plus vrai de l’Architecte. Ses interventions doivent toujours apporter de la valeur aux projets ou à l’actualisation de la trajectoire au bénéfice de l’entreprise dans son entier. Pour cela, il faut choisir ses combats. Si l’Architecte doit tout voir de l’évolution du SI à un moment ou un autre, il ne doit en aucun cas apparaître comme un administratif qui appose son tampon sur tous les dossiers. Il doit savoir sélectionner les projets ou études sur lesquels il apportera de la valeur à l’entreprise, en regard des enjeux d’architecture qu’ils portent, eux-mêmes en lien avec les orientations stratégiques de l’entreprise.
Dans cette logique, la fonction Architecture ne pourra plus être vue comme un coût mais comme un investissement dont la rentabilité réside dans le rapport qualité/prix des solutions et les erreurs évitées.
L’ajustement du dispositif
L’activité des architectes varie en fonction des plans d’évolution du SI. Pourtant, les équipes d’architectes sont généralement très stables, ce qui se justifie souvent par la volonté de conserver les sachants qui seront précieux lors des futures sollicitations. Plutôt que de meubler les périodes de baisse d’activité par des travaux d’intérêts limités, le responsable de l’architecture doit construire un dispositif ajustable en fonction de la charge, par exemple avec un minimum de recours à la sous-traitance, sans attendre qu’une directive budgétaire vienne s’en charger à sa place.
Le renouvellement des forces
La fonction Architecture doit faire preuve d’innovation, ou à minima de créativité afin de challenger en permanence la pertinence des choix et des règles établies. L’apport d’un regard neuf est indéniable et évite de reproduire par la routine les mêmes réflexes. Pour reprendre l’image du bâtiment, il n’est pas si fréquent de confier la réhabilitation d’un immeuble à l’Architecte qui l’a conçu. Ce renouvellement peut être obtenu grâce au pilotage de la mobilité des collaborateurs, ou encore par un apport régulier de conseil spécialisé pour les travaux les plus structurants. Pour permettre ce renouvellement dans la continuité, il faut bien entendu tenir à jour la documentation des plans du SI et de ses règles de construction.
L’influence plutôt que le pouvoir
Enfin, et c’est peut-être le point le plus essentiel, l’Architecte doit avoir pour rôle principal d’éclairer les décisions des décideurs de l’entreprise sans se substituer à eux. La tentation est grande pour l’architecte d’imposer ses points de vue, en particulier lors de grands plans de transformation. En effet, la vision globale et à long terme qu’il est souvent le seul à apporter peuvent le convaincre de posséder seul les solutions aux problèmes posés et donc de les imposer aux différents acteurs sans que ceux-ci les comprennent vraiment. Or, si l’Architecte se doit d’exercer une influence sur les décisions structurantes pour le SI de l’entreprise, il ne doit pas chercher à exercer un pouvoir sur celle-ci. A défaut, ceux qui possèdent réellement le pouvoir saurons le lui rappeler le moment venu, et ainsi réduire considérablement son potentiel voire son existence même.
Au final, il est bien normal que les architectes soient challengés en permanence et c’est aussi ce qui rend ce métier passionnant. L’application de ces quelques règles conduit à apporter la valeur, l’agilité, l’innovation et l’influence de nature à répondre à ce challenge.
Le plan de transformation pluriannuel du SI est un outil pour aligner le SI sur les ambitions de l’entreprise. Il est constitué d’une une feuille de route pertinente et adaptable aux imprévus qui surviendront à court et à long terme. Son élaboration implique et mobilise tous les acteurs sur lesquels repose sa réussite, c’est un projet managérial pour rendre l’entreprise plus performante.
L’alignement stratégique a remplacé le schéma directeur
Nul doute que les démarches de schémas directeurs que nous connaissions auparavant ont changé. Elles étaient souvent ponctuelles et très longues, voire peu opérationnelles. Le rythme croissant du changement les a finalement disqualifiées.
Pour autant les entreprises restent confrontées peu ou prou aux mêmes grandes questions, suivant leur situation :
Optimiser les coûts ou assurer la pérennité des moyens informatiques ;
Faire évoluer l’organisation et la gouvernance de la fonction SI ;
Aligner le SI sur les enjeux opérationnels des métiers tout en restant agile.
Pour y répondre, les managers et les dirigeants -pas seulement la DSI- sont amenés à imaginer le SI de leur entreprise telle qu’elle devrait être demain, soutenu par une trajectoire d’évolution réaliste. Sans cette trajectoire, adossée au présent et ancrée dans la réalité, l’accroissement de performance attendu n’aura pas lieu.
Une fois les réponses trouvées, la réussite de la mise en œuvre tournera en définitive autour d’une seule question « Comment les acteurs feront-ils faire grandir l’entreprise, en intégrant leurs priorités d’évolution définies et leurs propres capacity plannings ? ».
C’est à ces questions de management qu’aboutissent toujours les travaux et qui conduisent à rechercher la mobilisation des parties prenantes dès la phase de conception. En effet chacun s’investira d’autant mieux dans la transformation qu’il aura participé à l’élaboration de la solution et qu’il s’y identifiera.
Mais que doit-on faire pour mobiliser les équipes ? Nous rappelons trois grands principes que l’on ne devrait jamais oublier.
Prendre de la hauteur ensemble
Quotidiennement, les Directions Opérationnelles sont habituées à fonctionner au présent, « au quarter », à engager des projets à court terme. Lors de l’élaboration d’un plan de transformation elles sont appelées à se projeter et à penser le long terme : il ne s’agit pas seulement de traiter des demandes d’évolution en souffrance, mais d’énoncer des enjeux d’évolution, des objectifs à moyen terme, de repenser des processus, voire d’oser un nouveau « business model ».
C’est pour cela que le sponsor de la transformation doit impulser et maintenir un niveau d’ambition suffisant aux travaux, ménager un délai pour la réflexion, inciter et aider les directions à ajuster leur niveau d’engagement et leurs contributions.
Compte-tenu de la rapidité du cycle de transformation actuel (cf. l’évolution des applications des outils digitaux ou encore des réglementations), la mécanique des travaux doit être rapide, de l’ordre de 3 à 6 mois. Les travaux débouchent sur l’élaboration d’une cible, d’une trajectoire réaliste et d’un portefeuille de projets et d’initiatives transverses qui feront l’objet de révisions régulières. Cette révision sera l’occasion de prendre en compte des inflexions ou des nouveautés dans la stratégie, ou d’approfondir des sujets laissés de côté lors des cycles précédents.
La planification de la transformation, ponctuelle et orientée IT, devient collective et régulière, voire permanente.
Travailler (enfin) en équipe
Tous les acteurs de la transformation doivent être associés : Opérations, SI, Marketing, RH, finance, etc. Un climat de confiance doit être installé : la transversalité, réclamée à cor et à cri pour construire une entreprise plus performante, repose sur l’interdépendance entre acteurs qui ne peut s’envisager que dans un climat de concertation.
Chacun doit être amené à un état de « dialogue constructif », quelle que soit la situation de départ : pour les uns, abandonner l’obéissance passive, pour les autres, laisser tomber les résistances, pour d’autres encore, apprendre à écouter. Il faut battre en brèche l’idée que l’on va faire un état des lieux et pointer du doigt les fautifs et promouvoir la coopération.
Il revient au sponsor du plan de transformation, de prévoir un dispositif d’étude favorisant un mode de management bienveillant où les liens de subordination, les conflits trop appuyés, laissent place à plus de solidarité, plus d’échanges mais aussi plus de créativité. Chacun apporte ainsi sa valeur ajoutée à l’édifice commun et en retire plus de motivation en retour.
Faire évoluer le rôle de la DSI et des équipes IT
Enfin, le plan de transformation SI a pour destinataires l’ensemble des directions métiers. L’intrication croissante des prérogatives métiers et de celles de l’IT, notamment avec les démarches de digitalisation, conduit toute l’entreprise à fonctionner en partenariat avec sa DSI.
Pour les entreprises, où la DSI est encore vue comme un fournisseur de moyens, c’est un premier gros changement de culture à engager. Cela ne va pas forcément de soi quand les métiers ont pris d’autres habitudes et que la DSI se comporte comme une Direction Technique. En tout cas, la DSI peut profiter de l’opportunité de la démarche pour poser sur elle-même un autre regard. Bref, faire son marketing.
Finalement, l’élaboration du plan de transformation SI ne serait-il pas la seule occasion d’expérimenter de nouveaux modes de fonctionnement sollicitant toute l’entreprise ? La démarche ne pourrait-elle pas porter un projet d’entreprise à l’heure ou la performance de l’IT est une condition de survie ?
Ce serait alors une opération qui tirerait vers le haut toute l’entreprise et permettrait de se tourner vers le futur avec plein de bonnes intentions managériales : communiquer, faire confiance, responsabiliser, orchestrer, soigner l’ambiance, … dont on sait depuis longtemps qu’elles sont la clé de la motivation, de la performance et d’une bonne adaptation au changement.
Les projets et la trajectoire de transformation en seraient les premiers bénéficiaires. On commence quand ?
Voilà un nouveau métier qui fait parler de lui. Le CDO serait-il le nouvel architecte « Digital » ? Par certains côtés, il s’en rapproche et peut même le concurrencer. Ce serait dommage : chacun doit mener à bien sa mission, dans un esprit collaboratif. Nous montrerons ici comment l’architecte peut aider le CDO dans ses fonctions pour mener à bien la transformation digitale.
En se retournant rapidement sur le passé, il est facile de constater combien nos métiers ont évolué. Hier urbaniste, aujourd’hui architecte SI ou architecte d’entreprise suivant les appellations. Chacun a maintenant son architecte : architecte métier, architecte de solution / technique, etc.
Quels seront les architectes de demain ? Le CDO (Chief Digital Officer) est-il l’avenir de l’architecte ? Ou un nouvel allié de la transformation digitale ? Mais d’ailleurs quel est son rôle ?
Le CDO travaille sur la chaîne de valeur dixit Les Echos. Il a donc un rôle d’architecte métier, un lien vers les processus et les pilotes de processus.
Il a la vision la plus large de l’entreprise ou comme le dit « l’usine digitale » « Leur job consiste au contraire à casser tous les silos de l’entreprise et de ses métiers ». L’architecte métier ou le pilote de processus avaient ce rôle-là. Faire coopérer l’ensemble des parties prenantes pour trouver des solutions nouvelles est aussi une partie du rôle de l’architecte d’entreprise.
« En général, ils commencent par faire un état des lieux pour identifier les projets déjà lancés par l’entreprise, ses besoins et les personnes impliquées. ». Qui a la connaissance de tous les projets ? leur périmètre ? les outils ? L’architecte d’entreprise a ce rôle dans les entreprises et doit donc être un point d’entrée pour notre CDO.
Côté constat, cet article nous dit : « un tiers des CDO interrogés regrettent « que leur niveau hiérarchique et leur pouvoir sont inadaptés aux enjeux de leur fonction. » » C’était bien le constat des architectes d’entreprise pendant des années et cela l’est encore fortement aujourd’hui. Le besoin de transversalité, de convaincre est encore bien présent dans les entreprises. L’architecte d’entreprise qui a été confronté à ces problématiques doit pouvoir aider ce nouvel arrivant.
Le CDO apporte de nouvelles dimensions dans l’entreprise en tant que champion de la transformation, il a plusieurs cordes à son arc, comme le précise l’Express :
« Il faut qu’il ait un très bon vécu marketing pour comprendre comment cette transformation doit servir l’activité. ». Le CDO doit comprendre le monde qui l’entoure pour en faire profiter son entreprise et la faire avancer dans sa transformation digitale. C’est un peu la « voix du client » comme on l’appelait avant. Le rôle de l’architecte d’entreprise est pour l’instant plus tourné vers l’intérieur de l’entreprise, en ce sens, où il n’est pas l’instigateur des nouveaux projets de transformation digitale.
« Il doit, aussi, bien maîtriser la gestion des talents : comment les recruter, les fidéliser ». Pour réussir sa transformation, le CDO doit savoir s’entourer, un bon architecte d’entreprise qui saura transmettre vers les DSI tout en intégrant les contraintes de l’existant et en respectant les coûts est un atout important pour un CDO.
Le CDO est le nouveau « champion de la transformation », il incarne la volonté d’un comité exécutif de transformer l’entreprise vers le Digital et le numérique. Il est un nouveau rôle à part entière qui s’appuie sur des rôles déjà existants dans l’entreprise (métier, marketing, DSI etc.). L’architecte d’entreprise se doit d’être au premier rang de la transformation digitale. Il doit être une courroie de transmission à l’intérieur de l’entreprise dont le CDO serait le moteur ! Il parle déjà avec les métiers et avec la DSI. Il est à même de proposer des solutions afin d’intégrer correctement tous les nouveaux usages et outils du Digital dans le SI de l’entreprise tout en augmentant la qualité du SI (rationalisation de l’existant, intégration de nouveaux outils en remplacement des anciens et non en doublon etc.). Architecte d’entreprise et CDO sont des rôles complémentaires dans l’entreprise.
Il semble donc naturel que le CDO et l’architecte d’entreprise s’allient pour faire basculer les entreprises vers un SI toujours plus puissant et au service des clients tout en restant le plus évolutif et le moins cher possible, d’ici la prochaine (r)évolution…
Le CDO est un profil récent dans les entreprises et il doit encore trouver sa place (lire aussi cet excellent article). Je pense que nous n’avons pas fini de parler de l’évolution et des interactions entre les profils (anciens, nouveaux et à venir, éphémères ou durable…) intervenant dans la Transformation Digitale.