Dans les pays anglo-saxons, les certifications professionnelles sont très prisées. Qu’en est-il de ces formations certifiantes dans le domaine de la gestion de projet en France ?
Nous observons que ce marché s’est fortement développé ces dix dernières années. Dans les faits, les éditeurs profitent en France d’une demande soutenue pour ces formations subventionnées (avec les CPF et fonds des OPCA). Ainsi, les éditeurs des certifications et les centres de formation partenaires y ont trouvé une opportunité de croissance facile de leurs activités. Un récent inventaire auprès de 6 éditeurs majeurs (GPM, IPMA, PMI, APM, AACEI, APMG) révèle que près de 80 certifications sont possibles rien qu’en gestion de projet.
Force est de constater qu’un phénomène de dérive commerciale des formations professionnelles s’est installé et nous rapproche du modèle Anglo-Saxon. Que l’on soit consultant ou futur collaborateur en cours de recrutement, il devient indispensable d’afficher des certificats et autres badges pour que son profil soit remarqué ou du moins digne de confiance. Cette dérive en est presque à un stade viral. Plus les consultants et recrues veulent se démarquer, plus ils en demandent ; et plus les clients et employeurs en voient passer et en découvrent de nouveaux, plus ils s’y attachent.
A cet effet purement commercial, d’autres effets s’ajoutent. Le foisonnement des formations certifiantes, basées sur des modèles et cadres de pratiques, touche aussi aux dimensions marketing, cognitive, et reconnaissance des actions de formation professionnelle.
Dimension marketing : Les éditeurs essentiellement à l’international ne se sont pas arrêtés à la promotion d’une offre large de certificats, vecteur de différenciation et de visibilité sur les réseaux professionnels. C’est ainsi que des majors comme ISO, PMI, Axelos, IPMA, APM, Isaca, Open Group, ISC2, et autres éditeurs logiciels font œuvre de créativité, en proposant leur système de fidélisation le plus « addictif ». Comme la validité des certifications est limitée dans le temps, les nouvelles qualifications acquises doivent être maintenues. C’est pour cela que les éditeurs proposent des renouvellements par adhésion annuelle et l’acquisition de PDU* pour certains. Or ces actualisations ne démontrent que le maintien des connaissances. Elles ne proposent rien concernant leur mise en pratique effective.
Plus récemment, vous l’avez peut-être constaté, la nouvelle tendance est aux micro-certifications (micro-credentials). Les éditeurs, sous couvert d’apporter plus de flexibilité aux parcours de formation professionnelle continue, suggèrent de fractionner les programmes longs de formation en développement de compétences. Cela apporte des conséquences : détourner l’effort d’investir le temps nécessaire à l’acquisition d’un corpus complet ou au contraire de pousser à de la consommation compulsive de micro-certifications. C’est un autre travers observé à l’étranger, certains se laissant emporter à cumuler les certifications comme une liste à la Prévert. A se demander quand ces candidats trouvent le temps de les appliquer dans leur travail. C’est un point qui questionne l’intérêt pédagogique de cette forme d’actions de formation au regard des arguments marketing utilisés.
Dimension cognitive : Pour nous Français, le principe de certification des éditeurs anglo-saxon, nous amène toujours à devoir nous focaliser sur la compréhension de l’anglais avant celle des contenus. Même si les formations sont faites en français, l’évaluation par QCM se termine toujours en une séance de bachotage pour réussir l’examen qui accorde la certification. Cet autre point, questionne la réalité de l’acquisition des connaissances (Fondation) et dans une moindre mesure de la capacité à leur mise en pratique (Practionner).
Dimension reconnaissance : Bien souvent, la mise en scène des modalités d’examens est sécurisée par le recours à des organismes tiers de confiance comme CERTyou. Les éditeurs les plus en vue ne laissent aucune place à la fraude, même depuis chez soi. C’est l’argument de crédibilité qu’ils mettent en avant pour nourrir la relation de confiance entre un consultant et son client ou un candidat et son recruteur. Mais en France, contrairement à l’international, nous sélectionnons essentiellement les profils d’après les diplômes issus de la formation initiale. Dans le cadre de la formation continue, les certifications professionnelles restent peu voire non reconnues selon les secteurs d’activités. Est-ce par méconnaissance de ce qu’elles représentent et de ce qu’elles démontrent ou parceque le marché français est critique vis-à-vis des deux biais précédents ?
Aujourd’hui, de plus en plus de voix s’élèvent parmi les personnalités reconnues dans le monde de la Gestion de projet pour dire que le modèle actuel n’est pas adapté. Trop de temps de formation en classe axée sur l’acquisition de connaissances avec des examens qui se concentrent sur les informations apprises et pas assez de temps d’apprentissage en situation de travail. Cela questionne la nécessité de formations étalées dans le temps pour apprendre à résoudre les problèmes lorsqu’ils surviennent. C’est ce que l’on observe presque exclusivement en formation sur les approches Agile.
En conclusion, il ne faut donc pas se laisser aveugler par le discours des éditeurs et des centres de formation. Il importe que chacun interroge son projet, challenge ce que l’on attend de l’obtention d’une certification et/ou d’une micro-certification avant de se lancer. Est-ce seulement acquérir un nouveau corpus de connaissance ou faire la démonstration d’une expérience déjà visible sur son CV ? Autrement, il existe d’autres formes plus économiques, modulables et appliquées comme les MOOC ou encore des conférences en ligne. Même si l’investissement temps est plus élevé. La question reste alors de savoir comment sont reconnues les attestations délivrées par les producteurs de ces formations.
*PDU : Professional Development Units. Un PDU est une unité de mesure utilisée pour quantifier les activités de formation et de service professionnel approuvées et correspondent à des blocs temporels d’une heure consacrés à l’apprentissage, à l’enseignement ou au volontariat.
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2- Vous aurez des réponses à vos problématiques grâce à un temps consacré pour répondre vos questions
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4- Vous apprendrez de façon pragmatique avec des mises en situation et cas pratiques concrets
Et si nous pouvions exploiter l’intelligence collective pendant nos déplacements quotidiens ?
La période Covid a libéré certains d’entre nous, des déplacements professionnels et des contraintes quotidiennes des transports pour se rendre sur son lieu de travail. Mais ces obligations restent une réalité. Et si c’était une opportunité pour contribuer à faire avancer des projets qui ont du sens, avec des objectifs orientés santé, éducation, économie, développement durable, et tout cela collectivement.
Le constat d’aujourd’hui : beaucoup de temps passé dans les transports
Nous nous déplaçons pour être sur le lieu de travail qui présente les conditions optimums (se rapprocher de nos collègues, avoir accès à tout le matériel adéquat, etc.). Pour cela nous utilisons nos jambes, notre vélo, notre scooter/moto, notre voiture et/ou les transports en commun (train, RER, tram, métro, bus).
À l’échelle de la France en 2019, il y a 181 millions de déplacements par jour, du lundi au vendredi ;
En moyenne les français y consacrent 1h02 dont 41 minutes dans les transports en commun ;
Et les transports en commun sont empruntés pour 9.1% des déplacements.
Ainsi, au total ce sont 16,5 millions de déplacements (9.1% de 181 millions) réalisés dans les transports en commun, chaque jour, et 675 millions de minutes pour la totalité des voyageurs (41mn x 16,5 millions), c’est-à-dire 11 millions d’heures.
Comment mettons-nous à profit ce temps de trajet ?
Sur tout ce temps qui représente finalement une bonne partie de notre vie, que faisons-nous ? Nous lisons, nous somnolons, certains arrivent à dormir (je ne suis pas sûr de la qualité du sommeil), nous écoutons de la musique ou regardons des vidéos. En somme, nous ne sommes pas des plus productifs. Et surtout nous utilisons souvent notre smartphone. Peut-être vous reconnaissez vous dans cette description ?
Ainsi que fait réellement notre cerveau, se repose-t-il ? pas vraiment, réfléchit-il ? peut-être, mais à quoi ?
Voici un rapide résumé de la situation :
Nous nous regroupons par obligation ;
Nous sommes connectés par besoin ou envie ;
Nous avons des capacités intellectuelles que nous sous-estimons pendant cette période.
C’est en réfléchissant à comment utiliser pleinement mon temps de transport, qu’il m’est venu l’idée : « et si durant mon trajet, je pouvais mettre à contribution mon savoir et mon enthousiasme sur des projets collectifs qui me tiennent à cœur ?”
Tout cela me fait penser à l’intelligence collective. Cela peut paraître tirer par les cheveux, néanmoins de quoi avons-nous besoin pour appliquer l’intelligence collective ? D’après mon expertise et mes propres expériences, particulièrement tirées des ateliers de design thinking, voici les prérequis :
Une communauté : elle existe partout, colocalisée, ou pas. Nous sommes connectés jour et nuit grâce à nos smartphones.
Des connaissances : chacun de nous possède des connaissances venant de ses expériences professionnelles, de ses passions ou encore de sa vie privée.
Un but commun : l’approche serait de dispatcher un but par l’intermédiaire de nos smartphones via les applications des réseaux sociaux.
De l’intelligence : c’est implicite et le plus important. Nous la possédons tous.
Quelle est la vision de demain ?
Hypothétiquement, imaginez pouvoir utiliser la moitié du temps passé dans les transports en commun par un concept d’intelligence collective avec la moitié des voyageurs. Cela représenterait une capacité de 114 500 jours homme par jour (11 millions d’heures divisées par 24, divisé par 2×2 pour ne prendre en compte que la moitié du temps de la moitié des voyageurs), c’est-à-dire une capacité 114 500 fois plus puissante qu’un seul homme/femme.
Cela pourrait être utilisé à réfléchir, à penser, à analyser et à élaborer des solutions innovantes, par exemple, sur les sujets suivants :
Des recherches sur des problématiques médicaux ou financier ;
Problématiques organisationnelles pour rendre les entreprises plus humaines ;
Amélioration l’éducation de demain pour nos générations futures ;
Challenge sur l’impossible en cherchant un moyen de résorber le trou de la sécurité sociale ;
Et beaucoup d’autres sujets orientés créativité et innovation.
Et vous,
Que feriez-vous d’une telle ressource ?
À votre échelle, quelle serait votre contribution pour faire émerger cette intelligence collective ?
Seriez-vous volontaire pour expérimenter en participant à une conception/recherche collectivement la prochaine fois que vous empruntez les transports en commun ?
Voudriez-vous entreprendre une startup venant d’un concept d’intelligence collective en partant d’un wagon de RER. Cette start-up fonctionnera chaque matin et soir au fil des voyageurs entrants et sortants du train ?
En fait, cela n’est pas une utopie car en réalité il existe d’autres approches similaires avec un objectif de collecter l’intelligence humaine :
P.S. : un problème qui n’a pas été abordé ici est la confidentialité des données qui pourraient avoir besoin d’être partagées pour exploiter l’intelligence collective dans ce contexte. Ce sujet est très compliqué à aborder et il ne le sera pas ici car il mérite un article entier..
Les grands enjeux de l’humanité sont la faim, la pauvreté, le développement durable, la paix, la santé, l’éducation, l’économie, les ressources naturelles… et notre capacité à élaborer de nouvelles organisations capables de les résoudre. C’est l’intelligence collective, la révolution invisible.
Et si les entreprises s’inspiraient des méthodes des sportifs pour leurs transformations ?
Pour ceux qui me connaissent un peu, je suis un passionné d’IT, de transformation, de leadership, et à titre plus personnel de sport. J’essaie souvent de mettre en parallèle ces 2 mondes, pas si opposés l’un de l’autre. J’ai eu la chance d’échanger directement avec Arsène Wenger ou encore Philippe Saint-André et j’étudie beaucoup le management dans le sport de haut niveau.
Le week-end dernier, à l’heure de l’apéritif, je suis tombé sur l’émission Canal Rugby Club qui recevait Fabien Galthié, le sélectionneur de l’équipe de France.
Sa mission, à son arrivée à la tête de l’équipe de France il y a 3 ans était simple : transformer une équipe moribonde qui sortait d’une coupe du monde au Japon plutôt décevante et la transformer en machine à gagner, avec en ligne de mire la Coupe du Monde 2023 qui a lieu en France.
Force est de constater que ce programme de transformation pluriannuelle est un succès puisque les résultats sont là, avec notamment le gain du Grand Chelem en 2022 et un succès de prestige au stade de France contre l’équipe de All Blacks pour la première fois depuis 12 ans.
Un programme de transformation avec une vision très claire
Fabien Galthié explique comment il a mené ce grand programme de transformation. La première chose qui a été faite : travailler avec le staff pour donner du sens à leur mission. Est sorti de cette démarche un triptyque d’objectifs présentés par le staff au groupe : Rassembler, fédérer et partager. Ceci pose le cadre autour de ce groupe et une vision claire.
A la manière de la méthode des OKR, le staff a décliné ces objectifs en résultats clés mesurables :
gagner des matchs
rentrer dans le Top 3 mondial
gagner des titres
Je prends l’exemple des OKR car ce qui est très marquant dans le discours de Fabien Galthié c’est cette recherche de cohérence et de continuité. Pas question de changer de cap à la première défaite, son mode de fonctionnement est d’avoir une vision claire et de s’y tenir. Néanmoins il précise qu’il est possible d’évoluer : il a par exemple fait le choix de développer 2 groupes de joueurs : le groupe Premium qui participe aux grandes compétitions, et un groupe orienté Développement ou Incubation, ce qui n’était pas forcément son choix de départ. Mais il a considéré avec son staff que c’était le meilleur moyen de faire face aux contraintes de calendrier, de développer son groupe et d’embarquer tout le monde dans ce projet commun pour réduire l’incertitude liées aux blessures, fréquentes dans ce sport.
La data pour mesurer la progression vers l’objectif…
Il est assez rare de voir des acteurs du sports partager autant d’informations sur l’utilisation de la donnée. Dans une longue interview récente pour So Foot, le président du Toulouse FC Damien Comolli explique comment il utilise la donnée pour recruter des joueurs compatibles avec le jeu de son équipe. Ici Fabien Galthié va plus loin, en partageant de manière très transparente les 7 indicateurs clés qui lui permettent avec son staff de mesurer la performance des joueurs :
Prophylaxie : capacité à ne pas se blesser
Energie
Vitesse
Accélération
Trains moteur : poussée horizontale et verticale
Métabolisme
Il décrit également le fonctionnement interne de la sélection, avec la construction d’une cellule d’analyse qui est au centre des travaux, avec les coachs qui sont autour. Cette cellule est composée de Data Scientists et s’appuie sur une Data Farm leur permettant ensuite de développer un portail et d’envoyer des requêtes en Python. Vous ne rêvez pas, ce sont les mots d’un sélectionneur de l’équipe de France de Rugby, pas du DSI d’une banque. (PS : si vous avez besoin d’une définition de la data science, je vous recommande ce très bon article de Jean-Baptiste PICCIRILLO : LA DATA SCIENCE, DU BESOIN MÉTIER À L’UX : 4 PRINCIPES CLÉS)
Ce qui est intéressant c’est que Fabien Galthié va dans les clubs pour expliquer aux 120 joueurs qui font partie de sa liste de prospects quels sont ces indicateurs, comment les mesurer et quels sont les niveaux attendus (bien sûr il ne précise pas ces éléments détaillés dans l’interview). Les joueurs ont 1 an à partir de maintenant pour préparer l’échéance de la coupe du monde et savent quelles sont les caractéristiques qu’ils doivent développer pour être éligible à l’aventure. Et il le dit tout net : ceux qui ne seront pas au rendez-vous des indicateurs n’ont que peu de chance de faire partie du bon wagon.
Encore une fois, nous avons un objectif clair et un moyen de mesure tout aussi transparent. Et ces KPI vont permettre de disposer de joueurs qui seront capables immédiatement de s’adapter au jeu que souhaite mettre en avant l’équipe de France.
…Mais aussi au service du jeu
Pour ceux qui suivent le rugby, ils auront certainement noté que Fabien Galthié “invente” de nouveaux mots. En réalité, il utilise des mots jusque-là écartés du jargon sportif pour expliquer ses concepts.
Ainsi, il définit 3 KPI à améliorer pour augmenter les chances de gagner un match :
la possession
l’occupation du terrain
la fulgurance
Ce dernier n’est pas commun dans le monde du sport. La définition du sélectionneur de la fulgurance est la capacité à traverser le terrain (des 22 mètres français aux 22 mètres adverses en moins de 22 secondes). Il considère que dans son sport, cette transition rapide augmente les chances de marquer des essais et donc de gagner le match. D’ailleurs en football, les coachs parlent souvent de transition ou de verticalité.
Mais au final toute cette donnée vise un objectif simple : sortir des réponses simples à des questions simples. Par exemple : comment fait-on pour battre le Japon ?
Et le management dans tout ça ?
Nous avons beaucoup parlé de pilotage, d’indicateurs, de data mais assez peu des Hommes. Pour ce qui concerne les joueurs, Fabien Galthié a mis en place quelque chose qu’Arsène Wenger m’avait expliqué en 2018 : le leadership partagé.
Ces 2 coachs de renom appliquent cette recette avec succès. Plutôt que de confier l’ensemble du leadership à un seul capitaine, ils nomment une équipe de cadres, dont va être issu le capitaine. C’est cette équipe de cadres qui fixe notamment certaines règles de vie à l’intérieur du groupe ou qui font le relai entre le reste des joueurs et le staff.
Arsène Wenger m’expliquait notamment qu’il avait tellement de choses à gérer à Arsenal qu’il était content de pouvoir déléguer certaines décisions directement au groupe, et que la vertu de ce système était que cela développait grandement la confiance au sein du groupe.
Quels apprentissages pour l’entreprise
Je trouve extrêmement intéressant la manière dont Fabien Galthié a mené son projet de transformation de l’équipe de France et je suis persuadé que ses idées sont absolument transposables dans un autre contexte :
Co-construire et partager une vision
Fixer un cap et s’y tenir, tout en évoluant en permanence
Identifier les critères de réussite et le moyen de les mesurer
Communiquer de manière transparente sur les indicateurs
Impliquer l’ensemble des parties prenantes dès le début
Mettre en place un leadership partagé
Tous ces éléments sont pour moi des facteurs de réussite d’un projet de transformation !
Ce qui était vrai hier, ne l’est plus forcément aujourd’hui. Et ce qui fonctionnait hier pourrait causer votre perte demain. Votre entreprise fait face à de nombreux enjeux au quotidien. À travers cet article, nous allons nous concentrer sur les déclencheurs qui incitent à considérer l’organisation sous un angle plus souple et flexible.
L’avantage n’est pas au premier à se mettre en mouvement. L’avantage est à celui qui apprend le plus vite. La seule façon de gagner est d’apprendre plus vite que n’importe qui d’autre.
Eric Ries
The Lean Startup
1881 : vous créez une petite entreprise de fabrication de pellicules photographiques sur la base d’une innovation de votre création : un procédé révolutionnaire de plaque sèche qui améliore considérablement la maniabilité des plaques auparavant recouvertes de gélatine. 4 ans plus tard, vous créez le premier film souple transparent qui permet aux photographes du monde entier de vous envoyer leurs films pour que vous les développiez. Vous devenez leader sur le marché de la photographie. 1907 : votre entreprise compte déjà 5000 salariés. 1927 : en 20 ans, votre entreprise a quadruplé sa taille, passant à 20000 employés.
1950 : à la sortie de la guerre, après avoir racheté Pathé quelques années plus tôt, vous êtes à la tête d’une entreprise florissante. Un inventeur, Edwin Land, vient vous proposer une idée : un appareil photo avec des pellicules qui se développent en quelques minutes après la prise de vue. Peu convaincu, vous le laissez partir. Il fondera sa propre compagnie : Polaroid…
1972 : toutes les idées de vos collaborateurs sont maintenant brevetées. L’un d’entre eux développe un capteur numérique qui permet de stocker les photos sur un support informatique. La technologie est naissante, la qualité médiocre par rapport aux appareils argentiques existants. Vous n’y croyez pas. 3 ans plus tard, vous abandonnez le projet et enterrez cette technologie. En tout, votre entreprise aura déposé 1100 brevets sur l’imagerie numérique.
2012 : le lancement de quelques appareils photos numériques sur un marché déjà en pleine explosion et sur lequel vous avez du mal à vous faire une place ne suffira pas à vous sauver. Vous êtes déclarés en faillite. Tous vos brevets sont rachetés pour 1/4 de leur valeur par des sociétés comme Apple, Google ou votre principal concurrent : Fuji.
Vous aurez reconnu l’histoire de Kodak, souvent évoquée pour montrer comment un mastodonte âgé de plus d’un siècle peut s’effondrer car il n’a pas su s’adapter à un changement de paradigme technologique. Alors que de plus en plus de clients étaient séduits par la facilité d’utilisation et le côté pratique de l’appareil photo numérique (quitte à accepter une baisse de qualité), Kodak est resté campé sur sa stratégie argentique et a continué à investir sur la qualité de ses pellicules et de ses appareils photos. Au moment où Kodak s’en est rendu compte, il était trop tard pour s’adapter aux nouvelles orientations du marché. La marche était devenue trop grande.
Le principal concurrent de Kodak, Fuji, possède dans son ADN les secrets d’une histoire qui dure encore aujourd’hui. Créé en 1934, Fuji fabrique des pellicules photo et cinéma. En 1986, il lance un produit innovant qui sera un succès commercial : l’appareil photo jetable. Financé par ce succès, Fuji lance en 1988 son premier appareil numérique et en 1994 son premier appareil reflex numérique (allié avec Nikon). Néanmoins ce marché hyper concurrentiel des appareils numériques et la quasi disparition du marché de la pellicule argentique ne lui permet pas de maintenir son niveau de revenu. En 1997, Fuji décide de se diversifier et lance sa première machine pour imprimer simplement les photos numériques directement dans les boutiques (Minilab Frontier). Ils deviendront leader de ce marché. En 2006, l’entreprise lance le FinePix S5 Pro, un boitier réflex très apprécié par les professionnels. Ce produit fait de Fuji un acteur de référence de ce marché de niche, très rentable.
Au milieu des années 70, Harley-Davidson était à 3 mois de la faillite. Une nouvelle direction va se concentrer non plus uniquement sur le produit mais sur tout l’écosystème : le lifestyle ! Accompagnée d’une profonde transformation interne, avec beaucoup plus d’autonomie pour ses salariés, l’entreprise va rapidement redresser la barre. En 2005, la capitalisation boursière de Harley-Davidson va dépasser celle du géant General Motors.
Ces exemples nous montrent que le risque de faillite ou de disparition est important pour tout type d’entreprise, des plus petites et plus jeunes aux plus grandes et plus anciennes, dès lors qu’elles cessent de s’adapter aux changements et restent sur leurs acquis. L’avènement d’internet, sur les 20 dernières années, a intensifié ce phénomène où l’on voit de nouveaux acteurs arriver et chambouler des marchés historiques (par exemple : N26 ou Revolut dans le monde bancaire). Avez-vous déjà entendu parler de Meero ? Cette start-up parisienne quasiment inconnue est spécialisée dans la mise en relation de photographes. Elle a effectué en juin 2019 la plus grosse levée de fond française (205 millions d’€). Aucun marché n’est à l’abri.
Ce dynamisme actuel doit avant tout être vu comme une opportunité, celle d’explorer de nouveaux sentiers en expérimentant en permanence pour trouver des réponses aux besoins de vos clients. Les évolutions de stratégie qui ont fait le succès des entreprises ci-dessus sont le fruit d’une organisation performante qui plébiscite l’innovation et l’adaptabilité.
2. Pour être plus performant
Sans solidarité, performances ni durables ni honorables.
François Proust
Maximes à l’usage des dirigés et de leurs dirigeants
Nous entendons souvent nos clients nous indiquer qu’ils veulent se transformer pour être agile. Mais être agile n’est pas une fin en soi. C’est plutôt un facteur déterminant pour améliorer les performances de l’entreprise.
Les leviers de performance sont propres à chaque entreprise : satisfaction clients et/ou collaborateurs, time-to-market, qualité, positionnement marché, gestion du risque, innovation, stratégie produit, collaboration, bien-être… Ces leviers sont très nombreux et chaque entreprise doit définir les siens.
Une partie non négligeable de la performance est liée à la culture et aux valeurs de l’entreprise. C’est ainsi que l’entreprise FAVI a subsisté dans un petit village de Picardie. Sa raison d’être ? Le maintien de l’emploi dans cette zone sinistrée. Un de ses leviers de performance est donc le maintien de l’emploi dans ce bassin.
Nous avons vu dans l’exemple du chapitre précédent qu’il ne suffit pas d’être (extrêmement) performant à un instant t, il est nécessaire de viser un niveau de performance sur une longue durée. Pour cela, la manière dont votre entreprise pilote sa performance, ainsi que la manière de produire et de développer de nouvelles idées, vont être prépondérantes. Nous en reparlerons dans la 2ème partie.
3. Pour continuer à grandir
Vessels large may venture more, but little boats should keep near shore.
Benjamin Franklin
The Way To Wealth
En grandissant, les entreprises font souvent face à des problèmes similaires. Lorsqu’elles atteignent certains paliers en nombre d’employés, les règles du jeu changent.
Ainsi, à partir de 30 personnes, les dirigeants font face au premier défi : la délégation. Il est impossible de continuer à tout gérer à 2-3 fondateurs. Continuer à grandir passe par une bonne distribution des activités, et des responsabilités qui vont avec.
À partir de 100 personnes, apparait un nouveau défi : comment réussir à scaler son organisation. Un des premiers signaux est qu’on commence à ne plus connaître tout le monde. De nombreux chefs d’entreprises nous ont indiqué avoir été surpris un jour de croiser quelqu’un dans leur entreprise qu’ils ne connaissent pas et qui pourtant y travaille. Un autre signal souvent observé est l’émergence d’une concurrence interne : 2 équipes peuvent travailler sur un même sujet sans le savoir. La structure de communication n’est plus adaptée. Cela doit déclencher un déclic et un travail important est nécessaire pour mieux diriger les flux d’information et la gestion des priorités.
A partir de 500 personnes, le niveau de complexité de l’organisation explose. Les interactions peuvent devenir difficiles entre départements qui peuvent avoir tendance à se replier sur eux-mêmes, quitte à créer un fonctionnement en silos. Les collaborateurs voient s’accumuler les couches hiérarchiques au-dessus d’eux, perdant ainsi le contact avec les dirigeants. Maintenir la culture d’origine est souvent difficile car des micro-cultures émergent et le nous contre eux peut prendre le pli sur la collaboration.
4. Pour renforcer la culture
Culture eats strategy for breakfast.
Peter Drucker
La culture d’une entreprise correspond à l’ensemble des comportements qui sont promus et encouragés au sein de l’organisation. Elle se traduit à travers les interactions entre collaborateurs dans un contexte donné.
La culture va agir comme un élément fédérateur pour l’entreprise et permettre de construire un liant entre les collaborateurs, nouveaux ou anciens. Elle constitue les fondations ou les piliers sur lesquels les collaborateurs peuvent s’appuyer pour prendre les (meilleures) décisions au quotidien.
Néanmoins, il faut garder à l’esprit qu’une culture s’incarne plus qu’elle ne se décrète. Ce sont les comportements du quotidien qui la matérialisent. De nombreuses entreprises disposent même de plusieurs cultures qui cohabitent, par exemple à la suite de rachats, fusions ou dans une organisation multi-sites. Poussées à l’extrême, ces cultures peuvent rendre l’entreprise “schizophrène” et alimenter une compétition interne qui va au détriment de la performance collective de l’entreprise. C’est particulièrement vrai quand des équipes qui travaillent de manière différente (outils, méthodes, comportement et donc culture) se retrouvent à collaborer ensemble.
L’enjeu est donc de (re)mettre à plat la culture de l’entreprise, de la rendre compréhensible et palpable, afin d’unifier les collaborateurs autour d’un projet commun.
5. Pour (ré)engager les collaborateurs
Un employé responsabilisé et écouté sera mieux dans son travail, son attachement à l’entreprise grandira et il aura fatalement une meilleure relation avec les clients.
Vineet Nayar
Les employés d’abord, les clients ensuite
Des études sur le niveau d’engagement moyen dans le monde entier montrent des résultats assez déstabilisants.
Ainsi, en 2017 en France, seuls 6% des employés étaient dans la catégorie «activement engagés». Cela représente 1 personne sur 16 impliquée et enthousiaste dans son travail.
69% des employés étaient «désengagés». Cette catégorie d’employés vient au travail avec une seule idée en tête : chercher son salaire, ne pas prendre d’initiatives et en repartir le plus tôt possible.
Enfin 25%, soit 1 employé sur 4, étaient « activement désengagés ». Cela signifie qu’ils sont tellement déçus et démotivés par leur entreprise qu’ils passent leur temps à détruire le travail et la motivation des autres.
Mettre en place un modèle d’organisation qui favorise l’émergence de collaborateurs engagés va aider à améliorer la performance de votre entreprise.
6. Pour (re)mettre le client au centre
Faites du service au client une priorité pour toute la société et pas seulement pour un département de l’entreprise. Par ailleurs, une attitude de service client doit venir du sommet de la hiérarchie.
Tony Hsieh
PDG de Zappos
Nombre de ces maximes ornent les murs des entreprises pour rappeler à tous que, avant tout, le client -celui qui paie pour notre produit ou service – doit être au centre de nos préoccupations.
Si votre attention de dirigeant ne doit pas forcément être prioritairement affectée aux clients (voir le livre Les employés d’abord, les clients ensuite de Vineet Nayar), il est évident que les clients sont essentiels au développement de l’entreprise.
Dans certaines entreprise, il arrive que les jeux de pouvoir prennent le dessus sur le bon sens. Par exemple, une direction va développer ses propres processus d’innovation sans consulter la direction en charge de l’innovation, créant de fait des projets concurrents au sein de la même entreprise. Et si on peut considérer que de la concurrence naissent parfois d’excellentes idées, elle conduit probablement plus fréquemment à dépenser l’énergie (et donc l’argent) à mauvais escient au sein d’une même entreprise. Se concentrer sur son client nécessite de le connaître, décrypter ses besoins, et donc de multiplier les points de rencontre avec lui, et ce à tous les niveaux de l’entreprise.
Il ne faut pas non plus oublier que votre client – celui qui utilise votre produit ou service – n’est pas nécessairement à l’extérieur de votre entreprise. D’une part, vous avez des collaborateurs qui sont des utilisateurs de votre produit ou service. D’autre part, vous avez des produits ou services qui sont conçus directement pour vos collaborateurs.
Être assis côte à côte avec son client est un avantage trop peu utilisé. Il n’est pas normal de développer des applications internes totalement inadaptées aux besoins des utilisateurs, qui, bien que logés dans le même bâtiment, n’auront jamais été sollicités. Cela va se traduire par des effets négatifs sur la motivation des équipes : les utilisateurs enragent que le produit ne leur convienne pas, tandis que l’équipe qui a fabriqué le produit récupère un flot de critiques et de demandes de modifications qui gâche leurs efforts.
7. Pour préparer l’avenir
Préparer l’avenir ce n’est que fonder le présent. Il n’est jamais que du présent à mettre en ordre. A quoi bon discuter cet héritage. L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à le permettre.
Antoine de Saint Exupéry
Si vous êtes les fondateurs de votre entreprise, et que vous lisez ces lignes, vous avez certainement déjà franchi certains des paliers de croissance évoqués précédemment. Vous en êtes peut-être même à cette étape de votre vie où après 10-15-20 ans à avoir des activités opérationnelles, vous souhaitez «prendre du recul». C’est normal.
Et c’est parfois compliqué car il existe un risque à confier les clés du camion à quelqu’un qui pourrait déconstruire tout ce que vous avez bâti. Pour éviter les déconvenues, au lieu de confier ces clés à un nouveau chauffeur, vous pouvez construire un camion autonome.
Déjà parce que l’aventure de transformation est une aventure passionnante : elle vous permet de sortir de l’opérationnel et vous fera (re)découvrir votre entreprise sous un jour nouveau. Cela peut vous remotiver et vous apprendrez beaucoup.
Ensuite, construire une entreprise autonome, c’est la préparer à passer les tempêtes qui l’attendent. L’organisation en réseaux qui caractérise ces formes d’entreprises amène une meilleure capacité de résilience. Cela vous rassurera au moment de réellement passer la main.