OMOC

L’OMOC d’Harry Potter : Évaluation Magique des Impacts des Changements

L’OMOC d’Harry Potter : Évaluation Magique des Impacts des Changements

Aymeline Grégoire Landry

Consultante Senior Transformation Digitale

Lors d’une transformation, il convient de faire un arrêt sur image pertinent afin d’identifier toutes les conséquences des changements/impacts sur les collaborateurs, processus, métiers, autres projets en cours, etc.

Il existe plusieurs méthodes dans cette phase d’évaluation cherchant les impacts sur le SI, les données, les outils, la sécurité, l’organisation, le management, les processus, la sécurité. La plupart ont pour objectif de mieux comprendre les conséquences du changement sur les collaborateurs, afin de les accompagner efficacement en minimisant l’impact sur leur efficience.

La matrice OMOC est un outil servant à évaluer les impacts de changement ; il s’apparente à l’analyse d’impacts, effectuée après la mise en œuvre des changements. Les transformations sont la conséquence d’orientation stratégique, l’OMOC vient par conséquent évaluer la pertinence de la stratégie mise en œuvre. 

Comment évaluer si la stratégie est la bonne ? 

Il suffit de s’intéresser :

stratégie

Et alors l’OMOC ? Quésaco ?

La matrice désigne les 4 axes suivants :

Comment l’utiliser ? 

L’analyse des impacts par population se déroule en 4 étapes :

L’OMOC permet d’avoir une vue systémique du changement, quel qu’il soit. Il s’utilise généralement dans le cadre d’ateliers regroupant les référents des principaux métiers impactés par le changement. On peut par exemple placer l’exercice OMOC à la fin d’un atelier de définition des nouvelles procédures post-changement, ce qui permet aux collaborateurs de se projeter dans la situation cible et donc d’évaluer plus objectivement l’impact du changement. 

conduite du changement et pilotage performance OMOC

Chacun des axes est analysé et noté sur une grille de 1 (impact le plus faible) à 4 (impact le plus fort). Le résultat est généralement présenté sous forme de cible (voir exemple ci-dessous), ce qui permet de visualiser rapidement le degré d’impact sur chacun des métiers.

degré d’impact sur chacun des métiers OMOC

Quelle est la finalité de l’OMOC ? 

De ce fait, l’analyse va permettre selon ces 4 axes, de noter et prioriser les axes d’accompagnement de conduite du changement (stratégie de communication, formation, accompagnement). Ainsi, au-delà d’impliquer les collaborateurs en leur donnant un espace d’expression, l’OMOC permet par les résultats de son analyse de construire des plans de communication et formation adaptés aux différentes attentes, elle est quantifiable et facilement diffusable, ce qui permet de garantir de bons indicateurs de suivi. 

Et si nous prenions un cas concret ?

Allez soyons fou, pourquoi pas faire une analogie sur un personnage que tout le monde connaît … Je veux bien sûr parler d’Harry Potter, dans le premier film « l’École des Sorciers ». 

Petit résumé du premier opus pour ceux qui ne l’auraient pas vu (et je tiens à le dire, c’est une honte) : « Harry Potter, jeune orphelin, a été élevé par son oncle et sa tante dans des conditions hostiles. À l’âge de onze ans, un demi-géant nommé Rubeus Hagrid lui apprend qu’il possède des pouvoirs magiques et que ses parents ont été assassinés, des années auparavant, par le mage noir Lord Voldemort.

Ce dernier avait également essayé de tuer Harry alors qu’il était un bébé, mais le sort a rebondi. En fréquentant pour la première fois le monde des sorciers, accompagné par Hagrid, Harry découvre qu’il y est très célèbre. Il entame sa première année d’études à l’école de sorcellerie Poudlard, où il apprend à maîtriser la magie aux côtés de ses deux nouveaux amis Ron Weasley et Hermione Granger. Au cours de l’année, le trio se trouve impliqué dans le mystère de la pierre philosophale, gardée au sein de l’école et convoitée par un inconnu qu’ils cherchent à démasquer. Ce dernier se révèle être Voldemort, qui habite le corps du professeur Quirrell » (merci Wikipédia).

Dans le monde des sorciers d’Harry Potter, les transformations ne sont pas rares, et tout comme en entreprise, évaluer leurs impacts est essentiel. C’est ici que l’OMOC (Outils, Métier, Organisation, Culture) peut jouer un rôle fascinant. En appliquant cette matrice à l’école de sorcellerie Poudlard, nous pouvons explorer comment chaque aspect de cette institution magique interagit avec les changements et évolue. Reprenons maintenant nos 4 axes et évaluons ensemble les impacts du changement chez Harry Potter : 

OutilsLe Pouvoir de la Magie au Quotidien Clairement, ici, Harry Potter ne sait pas se servir d’une baguette magique ou d’un balai volant. Il ne connaît absolument aucun des outils (cf la scène des courses de fournitures scolaires avec Hagrid et l’étonnement d’Harry face à tous les objets dont il a besoin (chaudron, plumes (oui oui, on passe du BIC à la plume). Nous évaluons l’impact des changements sur les outils d’Harry à 4.
MétierL’apprentissage au cœur de Poudlard Les élèves de Poudlard sont exposés à un large éventail de matières magiques, chacune avec ses propres compétences et défis. Les matières étudiées sont variées : Potions, Sortilèges, Métamorphose, Défense contre les Forces du Mal, Histoire de la Magie, Astronomie et Botanique. Harry Potter ne connaissant même pas l’univers des sorciers ne peut qu’être surpris et apprendre toutes les facettes de ce monde, nouveau pour lui. Nous évaluons l’impact des changements sur le métier d’Harry à 4.
OrganisationLe monde des maisons et des enseignementsLe système des maisons à Poudlard crée un sentiment d’appartenance et d’identité pour les élèves. Le mode de sélection des maisons est intéressant avec le Choixpeau, bien que le souhait de l’élève soit pris en compte. C’est d’ailleurs le cas d’Harry Potter qui craint de finir chez les Serpentards. En termes d’organisation, nous constatons ici que notre protagoniste a du mal à s’habituer à l’organisation, il déroge très souvent, si ce n’est, tout le temps au cadre de référence. Par exemple, il fait perdre plusieurs points à sa maison à force de ne pas respecter les règles de l’école. Il suit le troll, va dans la section de la bibliothèque qui est interdite. Toutefois, cela fait partie du caractère de Harry, l’environnement est nouveau mais il connaît déjà la discipline. Par conséquent, nous évaluons l’impact des changements sur l’organisation d’Harry à 2.
CultureLes valeurs magiques de PoudlardLa culture de Poudlard est tissée de valeurs telles que le courage, l’amitié et l’acceptation. Harry rencontre de nouvelles personnes. Il s’entoure de deux nouveaux amis, et leurs portraits sont intéressants : Hermione, « l’intello » qui pourrait représenter l’arrivée de jeunes diplômés en entreprise, plein d’ambition, il excelle en théorie. Ron, lui, n’est ni pratique ni théorique mais il détient la connaissance empirique du terrain et de l’évolution des mœurs, il a grandi dans une famille de sorciers. Harry ne s’est pas fait que des amis, il fait face à son adversaire, Draco Malfoy, détenteur de la connaissance historique et réformatrice du monde des sorciers. Harry apprend les valeurs fondamentales de ce nouveau monde mais le fait également bouger du fait de ses propres valeurs. Nous évaluons l’impact des changements sur la culture d’Harry à 4.
impacts du changement OMOC

L’OMOC à Poudlard : L’art de l’évaluation magique

L’application de l’OMOC à Harry Potter nous offre un regard unique sur la manière dont chaque aspect de l’école – les outils magiques, les matières d’études, le système des maisons et la culture – réagit aux changements. Tout comme les sorciers et sorcières utilisent la magie pour naviguer dans leur monde, l’OMOC peut être utilisé pour naviguer dans les défis des changements. En évaluant comment ces quatre axes interagissent et réagissent, l’OMOC peut fournir un aperçu plus clair des conséquences potentielles des transformations à Poudlard. 

Néanmoins, l’ensemble de tous ces bouleversements n’empêche pas Harry Potter de monter en compétence très rapidement et notamment de faire partie de l’équipe de Quidditch (talent inné pour être attrapeur de Gryffondor). Il est l’antithèse de la résistance aux changements, et pourtant, comme nous avons pu le voir, il ne respecte pas les règles de l’organisation, en revanche il détient le soutien de Dumbledore, directeur de l’école des sorciers Poudlard, et pour cela, il garde en tête une stratégie commune avec le directeur, une stratégie difficilement communicable à l’organisation. N’est-ce pas là, la clé d’une stratégie réussie ? Un alignement décloisonné. 

L’OMOC – La Clé de la Réussite Magique des Changements

Donc, en conclusion, Harry Potter s’adapte très bien aux changements ! 

L’OMOC d’Harry Potter dans l’école des sorciers nous permet de mettre en évidence l’ampleur des changements auxquels le personnage fait face. L’ensemble de l’entourage d’Harry Potter l’accompagne dans ces changements, ils le forment, lui expliquent les informations aussi tacites qu’implicites. Le changement radical du monde de vie d’Harry lui permet de se retrouver une « maison » en sécurité. En termes de matrice, des changements aussi radicaux sont rarement constatés. Toutefois, s’ils doivent apparaître, les conséquences s’avèrent le plus souvent tout aussi positives que ce que nous avons constaté pour Harry. Or, l’accompagnement est plus important, le collectif est engagé et aligné, mais le risque reste élevé. Quel défi pour les entreprises !

L’OMOC est trop peu souvent utilisé en entreprise, remplacé par l’analyse d’impacts, ce qui est dommage puisqu’il s’agit d’une évaluation chiffrée, livrable rare en conduite du changement. Associé à l’analyse d’impacts, il permet de suivre dans le temps d’un coup d’œil l’adaptation du terrain aux changements passés ou en cours : idéal pour un reporting en COPIL ou en CODIR. 

À Poudlard, comme en entreprise, l’OMOC offre une perspective globale pour évaluer les impacts des transformations. En considérant les outils, les métiers, l’organisation et la culture, nous pouvons anticiper les effets des changements et prendre des décisions plus éclairées. Tout comme Harry Potter s’est adapté aux changements et a grandi en compétences, les organisations peuvent utiliser l’OMOC pour naviguer avec succès à travers les défis et les opportunités du changement constant. Avis à tous les utilisateurs d’OMOC, plus les impacts sont faibles, plus c’est curieux, il serait intéressant de fouiller un peu plus loins pour confirmer ces chiffres.

digital workplace organisation conseil

La Digital Workplace : c’est quoi ?

Digital Workplace, c'est quoi ?

24 octobre 2023

Lorrys Willems

Consultant Digital Workplace

La Digital Workplace ce n’est pas simplement un poste de travail connecté, c’est l’ensemble des moyens mis à disposition du collaborateur pour lui permettre d’effectuer sa mission simplement, de manière mobile et surtout collaborative.

Au fil des années, l’environnement de travail a fortement évolué : la nature, nos moyens ainsi que notre environnement de travail. Initialement orienté efficient, puis productif et enfin connecté, l’environnement de travail tend à devenir davantage digitalisé. Désormais, le collaboratif est au centre de l’attention des entreprises. La crise sanitaire a redistribué les cartes et les entreprises qui s’en sont sorties le mieux durant la crise du COVID, sont celles qui étaient les plus digitalisées.

Pour résumer ce que peut représenter la Digital Workplace et son évolution, imaginez que nous sommes passés d’un bureau surchargé avec :

… à un smartphone et un PC portable dans une sacoche, et cela en moins d’une vingtaine d’années.

Une Digital Workplace moderne doit s’adapter pour répondre aux besoins spécifiques d’une organisation tout en se concentrant sur les besoins des employés. Avec une bonne intégration et une collaboration efficace, une Digital Workplace crée un point central où les employés peuvent accéder aux informations et faire leur travail, où qu’ils soient et quel que soit l’appareil qu’ils utilisent.

digital workplace organisation
Source : Mart Production

Pourquoi optimiser La Digital Workplace de votre organisation ?

Parce que les modes de travail des collaborateurs ont changé, les organisations commencent à mettre en œuvre un nouvel environnement : la Digital Workplace. En unifiant les technologies utilisées (e-mail, messagerie instantanée, médias sociaux, applications RH, outils de réunions virtuelles…), la Digital Workplace met en cohérence l’ensemble de ces moyens de communication, transforme « l’expérience collaborateur », et favorise efficacité et innovation collaborative.

La Digital Workplace vient répondre à plusieurs préoccupations des organisations, comme :

Parmi les gains potentiels, on observe un effet sur la rétention des collaborateurs, avec une meilleure fidélisation des talents, liée à la mise en place de stratégies Digital Workplace.

Pour permettre aux organisations de mesurer la maturité de leur Digital Workplace actuelle et identifier des axes d’amélioration, quatre niveaux d’analyse et de conception doivent être pris en compte : les usages, la technologie, le contrôle et les enjeux métiers.

Au-delà de la mise en place d’une stratégie et de la mise en œuvre des outils pour la digital Workplace, les organisations doivent répondre aux enjeux de la gouvernance, des risques et de la sécurité, impliquant la question de la gouvernance des données, les rôles et les responsabilités des parties prenantes, la formation des collaborateurs, etc…

« L’accélération des cycles technologiques, la collaboration entre millenials et générations plus expérimentées, l’augmentation des exigences business et du time to market sont une réalité que les équipes Digital Workplace doivent absolument prendre en compte. »

Rali HAKAM

Team Leader Digital Workplace chez Rhapsodies Conseil

digital workplace organisation
Source : Pexels

Comment développer une Digital Workplace répondant à vos besoins ?

La Digital Workplace centralise toutes les informations d’une entreprise en un seul et même endroit. Elles sont ainsi accessibles à l’ensemble des collaborateurs, avec bien évidemment des droits d’édition et/ou de consultation prédéfinis par l’administrateur de la solution.

La plateforme va être enrichie au fur et à mesure grâce aux contenus déposés par les utilisateurs et les interactions qui en découlent. Les fonctionnalités présentes sur ce genre de plateformes sont assez similaires à celles disponibles sur les services cloud grand public : gestion documentaire, suivi de projets, annuaire de contacts, messagerie instantanée, agendas et calendriers partagés, etc…

Les étapes clés pour mettre en place une Digital Workplace au sein d’une entreprise peuvent être les suivantes :

  1. Analyse des besoins et des objectifs : La première étape consiste à analyser les besoins et les objectifs de l’entreprise en termes de digital workplace. Cela peut inclure l’évaluation des problèmes actuels de communication et de collaboration, l’identification des attentes des employés, et la définition des objectifs stratégiques à atteindre avec la Digital Workplace.
  2. Définition de l’architecture et des fonctionnalités : Une fois les besoins identifiés, il est essentiel de définir l’architecture de la Digital Workplace ainsi que les fonctionnalités spécifiques qu’elle devra offrir. Cela peut inclure des outils de collaboration, de partage de documents, de communication interne, d’accès aux informations et aux applications métiers, etc.
  3. Sélection des outils et des technologies : Après avoir défini l’architecture et les fonctionnalités, il est nécessaire de sélectionner les outils et les technologies compatibles avec les besoins de l’entreprise. Cela peut inclure des plateformes de collaboration, des logiciels de gestion de projet, des outils de messagerie et de communication, des solutions de stockage et de partage de fichiers, etc.
  4. Déploiement et intégration : Une fois les outils et les technologies sélectionnés, il est temps de les déployer dans l’entreprise et de les intégrer au sein des systèmes existants. Cela peut nécessiter des ajustements de l’infrastructure, des configurations techniques et des tests pour garantir leur compatibilité et leur bon fonctionnement avec le SI existant.
  5. Formation et accompagnement : Enfin, pour favoriser l’adoption de la Digital Workplace au sein de l’entreprise, il est important de former les employés à son utilisation et de les accompagner dans la transition. Cela peut inclure des sessions de formation, des supports de documentation, des sessions de sensibilisation, des ressources d’aide en ligne, etc. Il est également important de mettre en place un suivi régulier et d’encourager les retours d’expérience pour optimiser l’utilisation de la Digital Workplace.
  6. Gestion du changement : La réussite de la mise en place d’une Digital Workplace nécessite une gestion efficace du changement. Il est essentiel de communiquer de manière transparente avec les employés pour les informer sur les avantages de la Digital Workplace, les motivations derrière cette transformation et les impacts sur leur quotidien. Il peut également être utile de mettre en place des groupes pilotes pour tester et valider les fonctionnalités de la Digital Workplace avant un déploiement à grande échelle.
  7. Évaluation et amélioration continue : Une fois la Digital Workplace mise en place, il est important d’évaluer régulièrement son efficacité et d’identifier les améliorations à apporter. Cela peut inclure des collectes de feedback auprès des utilisateurs, des analyses des indicateurs de performance, des ajustements des fonctionnalités et des processus, etc. La Digital Workplace doit être continuellement optimisée pour répondre aux besoins changeants de l’entreprise et des employés.

En travaillant avec Rhapsodies Conseil, vous bénéficierez de l’expertise et de l’accompagnement nécessaires pour mener à bien ces étapes et mettre en place une Digital Workplace performante. Nous vous aiderons à définir une stratégie adaptée, à sélectionner les bons outils, à les intégrer harmonieusement et à former vos équipes pour assurer une transition fluide et réussie.

« Il est fondamental pour nos clients de définir et mettre en œuvre ces transformations en proactivité et en maîtrise pour éviter de subir ces changements et s’inscrire comme partenaire métier à forte valeur ajoutée. »

Rali HAKAM

Team Leader Digital WorkPlace chez Rhapsodies Conseil

gouvernance de données et innovation

Les brouettes chinoises : une bonne raison de faire de la gouvernance de la donnée 

Les brouettes chinoises : une bonne raison de faire de la gouvernance de la donnée 

18 octobre 2023

– 4 minutes de lecture

Julien Leverrier

Consultant Transformation Data

Dans un monde où l’innovation est un facteur clef de Création et de développement des entreprises, reviennent deux questions :  « Comment innover ? », et « Quelle sera la prochaine innovation ? ». Les sujets tels que le machine learning ou les plateformes data sont des incontournables de la décennie, mais des entreprises se lançant sur ces sujets sont parfois confrontées à des freins fondamentaux, faute de s’être posées la question suivante : « Quels sont les prérequis à l’innovation ? ».

Si l’innovation s’entend aujourd’hui quasi-exclusivement dans le cadre du numérique, il est important de se rappeler qu’elle existe depuis que l’humanité a commencé à développer des concepts technologiques, et ce, dans tous les domaines. Et dans ces 6000 ans d’Histoire, on peut trouver des exemples aux résonances contemporaines : des sociétés sont passées à côté d’innovations majeures pourtant à leur portée. Les freins innovatifs fondamentaux ne sont pas récents…

L’histoire de la brouette chinoise 

Quoi de plus banal qu’une brouette : ce n’est qu’une plateforme avec des roues, permettant de transporter des charges d’un point A à un point B. C’est encore utilisé de nos jours, que ce soit dans le BTP, ou pour faire son potager. L’évidence de son usage, et sa simplicité de conception nous feraient croire que les brouettes ont toujours existé. 

En Europe, les premières traces écrites relevant l’utilisation de brouettes datent d’il y a mille ans. Et, matériaux et détails de proportions mis à part, elles sont en tous points semblables à nos brouettes contemporaines. 

En Chine, les choses sont différentes. Les brouettes apparaissent bien plus tôt, et elles ont rapidement évoluées (IIIème siècle après JC) vers une conception différente, bien plus efficace : la roue est placée de manière centrale sous la plateforme de charge. 1

brouette chinoise
Brouette chinoise – © Julien Leverrier 2023

Le poids est bien mieux réparti, et à charge égale, l’opérateur dépense bien moins d’énergie. Compte tenu de la fréquence d’utilisation de cet objet, sur une période aussi longue qu’un millénaire, le gain collectif en productivité est incalculable mais doit être phénoménal. Mais ils ne se sont pas arrêtés là ! Dès le XVIème siècle, des explorateurs et marchands européens rapportent, stupéfaits, la description de brouettes à voile2. L’énergie éolienne est utilisée pour faciliter le transport terrestre, les Chinois sont donc capables de transporter, sur de longues distances et à faible effort, des charges importantes.  

Brouette chinoise vs Brouette européenne, pourquoi un tel écart d’innovation ?

Une question semble évidente : pourquoi les Européens, également en recherche d’efficacité, et par ailleurs capables théoriquement d’appréhender ce concept (comme les trébuchets, inventés au XIIème siècle, sont bien plus complexes que ces brouettes en termes de compréhension et d’application de la physique), ne sont pas arrivés aux mêmes conclusions technologiques que les Chinois ? 

L’hypothèse seule de la force des habitudes semble trop générique et supporte mal l’effort du temps. Ce frein culturel est réel, mais des dizaines de générations successives auraient dû en venir à bout. On peut proposer, parmi d’autres (modèle agraire, rapport culturel aux déplacements…), une hypothèse portée par le concept de « Dette d’infrastructure« . 

L’innovation requiert autant l’intelligence et la capacité de réalisation que le contexte lui permettant d’exister. Cet exemple de la brouette chinoise met en lumière un défaut fondamental d’infrastructure de l’Europe médiévale par rapport à la Chine. Le gain en masse déplaçable (grâce à l’emplacement central de la roue), puis en distance parcourable (grâce à la voile) nécessite d’avoir des routes suffisamment solides pour accepter ce surplus de charge, et suffisamment longues pour que la volonté de parcourir de longues distances ait du sens. Or, jusqu’à la révolution industrielle, le point culminant du réseau routier européen a été atteint lors de l’Empire Romain. Réseau caractérisé par deux aspects : peu de dessertes “locales” et une infrastructure très lourde, potentiellement plus durable mais nécessitant des travaux d’entretiens massifs. Or, la chute de l’empire a marqué la fin des programmes d’entretiens, et de constructions de nouvelles routes. Le réseau chinois se basait, lui, sur un maillage local plus dense, et sur des infrastructures plus légères, et les dynasties continentales successives ont permis la pérennité d’une administration capable de garantir un entretien au long cours. 3  

brouette occidentale
Brouette occidentale – © Julien Leverrier 2023

On se rend alors compte, qu’avant même d’avoir l’idée nécessaire pour développer une brouette performante, il eut été nécessaire de maintenir l’infrastructure routière en bon état, et qu’une amélioration potentielle des brouettes seule ne peut être un motif raisonnable et suffisant pour remettre à niveau l’infrastructure. 

Les conclusions modernes liées à la gouvernance des données

Cet exemple historique peut sûrement être extrapolé par chacun dans son appréhension du secteur du numérique. Qu’il s’agisse d’infrastructure technique, logicielle, ou également de capital humain (Formation, culture d’entreprise), maintenir un haut niveau sur ce « fond » permet de saisir les progrès ponctuels que constituent les ruptures technologiques et innovantes.

Une entreprise peut rencontrer des difficultés à créer des modèles de machine learning pertinents, de la BI qualitative, ou encore une plateforme data ne se transformant pas en capharnaüm désorganisé, sans que cela soit du à des manques de compétences sur le projet, mais à cause des défauts structurels du patrimoine de données et d’une gouvernance défaillante ou inexistante. La temporalité longue de cet exemple nous renvoie aussi à l’approche de l’acquisition des compétences et des bonnes pratiques : préférer des formations et des acquis durables, réguliers, plutôt que des actions « coup de poing » permettant de répondre à un besoin dans la précipitation. Ou encore, privilégier l’agilité et la durabilité dans les infrastructures.

brouette chinoise a voile
Brouette chinoise à voile – © Julien Leverrier 2023

Plutôt que d’être réactive aux tendances, l’entreprise profondément innovante saura maintenir un haut niveau d’infrastructure, afin de pouvoir accueillir le plus facilement possible la prochaine brique innovante. Tout comme les brouettes, les applicatifs finaux que sont les modèles de ML, la BI, ne sont que des appendices portés par une infrastructure dont la qualité est déterminante, qu’il s’agisse d’un réseau routier, ou d’un patrimoine de données. Et pour garantir la vision stratégique de cette infrastructure, une autorité transverse durable est nécessaire, qu’il s’agisse d’un empire ou d’un Data Office.

1 Lewis, M. J. T. « The Origins of the Wheelbarrow. » Technology and Culture (1994): 453–75.

2 van Braam Houckgeest, A.E. (1797). Voyage de l’ambassade de la Compagnie des Indes Orientales hollandaises vers l’empereur de la Chine, dans les années 1794 et 1795.3 https://www.landesgeschichte.uni-goettingen.de/roads/viabundus/the-dark-ages-of-the-roman-roads/