27 novembre 2023
Chrystos Padonou
Consultant Senior Retail Payments
Il y a quelques jours de cela, nous avons abordé le préambule du Mobile Money en Afrique. Dans ce nouvel article, nous allons désormais nous consacrer au second volet: la genèse de ce moyen de paiement très répandu en Afrique Sub-saharienne.
Un cercle vertueux pourrait se définir comme « une boucle de rétroaction positive dont l’effet est jugé souhaitable ».
En des termes plus simples : un opérateur Mobile Money à pour objectif de
- Développer des services financiers,
- Rendre accessible ces services depuis un téléphone portable,
- Et, simplifier les opérations quotidiennes d’achat et de paiement des utilisateurs finaux.
Bill Price & David Jaffe, abordent la notion clé de la « Valeur Ajoutée » finale dans leur ouvrage « Objectif Client » (2015). Et si vous ne l’avez pas déjà lu, permettez-moi de vous conseiller de vous attarder sur le concept du #Me2B.
- En Occident, l’ère du « penser client à chaque étape de la conception d’un produit ou d’un service » continue de gagner en importance.
- Sur le continent africain, les réalités économiques, technologiques et business demandent des actions pragmatiques depuis toujours. Sacré challenge, n’est-ce-pas ?
Pour l’image, si vous cherchez à vous documenter sur l’adoption des NTIC en Afrique Sub Saharienne, vous tomberez sans doute sur des anecdotes autour du téléphone portable, des taxi-phones, des fraudes au crédit de communication …
Mais comment le Mobile Money a-t-il trouvé sa place dans tout cela ?
Premièrement, il est clé de souligner qu’en SSA, le Mobile Money repose sur un triptyque qui me semble crucial. C’est un service accessible depuis un téléphone portable développé
- Pour les populations africaines (principales rurales mais aussi urbaines),
- Par des entreprises africaines,
- Sur le continent africain.
Pour le comprendre, il faut donc changer d’optique et plutôt essayer de comprendre les codes de ce continent.
Deuxièmement, le terreau du Mobile Money se trouvait dans ce qu’était les quotidiens de beaucoup de populations africaines :
- L’absence de confiance dans le système bancaire : où va mon argent ? Comment le récupérer ?…
- Le manque d’explication de la valeur ajoutée amenée par le système bancaire : épargner ? Pour quoi faire si j’ai besoin de mon argent chaque jour et à chaque instant sur le marché ? Pour payer mon gardien ? Pour payer mon taxi-moto ?
- La qualité de l’éducation financière : l’accès à l’éducation scolaire tend à se démocratiser mais n’est malheureusement pas encore généralisée. Alors comment l’éducation financière pourrait-elle l’être ?
- Le maillage terrain des établissements bancaires : savez vous combien cela coûte de construire, administrer et entretenir une agence ? Cher ! Alors comment ouvrir un compte sans agence bancaire de proximité à moins de 3h de route de chez moi ?
- La complexité des formalités administratives : savez vous combien il était cher et compliqué d’obtenir des papiers d’identité ?
Mobile Money, une opportunité ?
Face à tout cela, une opportunité s’est créée : le Mobile Money. Finie la paperasse administrative et bonjour une procédure simplifiée d’ouverture de compte. Un formulaire rempli et signé + une pièce d’identité + un numéro de téléphone donnent désormais accès à une galaxie de services financiers.
⚠️ Pour info : #MonKalpé au Sénégal ou #mPesa au Kenya sont les dénominations marketing et/ou commerciales données aux services de Mobile Money. Ce, pour parler aux populations, leur expliquer et les rassurer ! Depuis un #FeaturePhone (ex: #Nokia 3310 ou #Tecno) ou, via les premiers #Smartphones (#iPhone, #Infinix…), tant que le terminal capte un réseau téléphonique en EDGE, le Mobile Money est accessible, utilisable et sécurisé.
EDGE ? Cela veut dire qu’internet n’est pas nécessaire ! Si vous pouvez appeler et/ou envoyer un SMS, alors le service Mobile Money est accessible ! Pas besoin de #3G ni de #4G ou de #9G.
Pourquoi le réseau téléphonique ? Car pour accéder à son porte-monnaie électronique, un utilisateur devra saisir sur son clavier de téléphone une séquence. Un menu s’affiche alors sur son écran : il s’agit d’un menu #USSD (Unstructured Supplementary Service Data).
Pour les plus de 30 ans arrivés jusqu’ici, je vous demanderai de vous rappeler l’époque de la Mobicarte Orange ! Vous vous souvenez de ce que vous deviez faire après avoir gratté votre carte ? Appeler un numéro ou taper un code USSD !
ET OUI : en occident aussi nous utilisions (et utilisons parfois encore !) la technologie USSD.
Deux éléments ont aidé (et aident encore !) le Mobile Money à se développer :
- Le réseau téléphonique : sa qualité et la couverture d’une géographie étant les composantes nécessaires au bon fonctionnement de l’USSD
- Le réseau de distribution : à la différence des comptes bancaires, ouvrir un compte Mobile Money peut se faire n’importe où (via une agence ou un point de vente agréé – via formulaire papier ou depuis un téléphone portable!). Un processus qui prend moins de 3 minutes !
Une technologie fascinante et pragmatique au service des besoins quotidiens. Outre la perception de ce système, des chiffres concrets viennent appuyer son développement et son importance dans la sous région.
Dans le prochain article (Part 2 de la Genèse Mobile Money) nous reviendrons sur quelques-uns de ces KPIs et commencerons à étalonner les services clés !