13 novembre 2018
– 5 min de lecture
Ange Brizon
Vous gérez un produit : apprenez à prioriser et à mesurer la valeur de votre produit !
Comment choisir entre développer un « bot de messagerie » sur votre application ou bien un nouvel onglet ? Peut-on mesurer en amont la valeur de ces fonctionnalités ? Quelles sont les approches pour calculer, voire traduire cette valeur en € ?
Voilà les problématiques auxquelles font face les Product owner pour qui les métriques sont devenues une obsession.
Nous allons aborder les concepts et les outils à maitriser pour y arriver, accrochez-vous, c’est parti !
Prioriser, méthode 1 : Moscow
La première approche qui se veut pragmatique n’est jamais très loin de la méthode MoSCoW (Must have, Should have, Could Have et Won’t Have). On affecte un niveau de priorité aux « actifs / features / fonctionnalités* » que l’on veut intégrer au produit. Pour le faire bien, on essaie de le faire souvent, en travaillant uniquement ce qui est le plus prioritaire.
* pour un produit qui n’est pas informatique ou qui comporte des contenus sans développements (vidéos, …), on pourra parler d’actif ou de feature
Par exemple, imaginons que vous ayez 3 mois pour développer un site de vente, comment s’y prendre ?
- On liste l’ensemble des grandes fonctionnalités : accéder au catalogue de produits, visualiser l’historique des achats, acheter, etc …
- On assigne une priorité à chacune
- Les Must have : acheter, accéder au catalogue de produits
- Nice to have : accéder à l’historique de ses achats…
- Le planning reste clair : les « must have » seront développés en premier et les « nice to have » restants, etc … si jamais il nous reste du temps !
Prioriser, méthode 2 : orientée données
La seconde, orientée données, s’inscrit une démarche Lean Startup (Build, Measure, Learn).
Facebook Connect est un module social externe ou social login permettant à un site web de proposer à ses visiteurs d’utiliser leur compte Facebook pour s’identifier sur le site visité.
On fait des hypothèses basées sur notre compréhension du marché, on mesure notre adéquation et on apprend de ses choix. Pour le faire bien, on met en place des standards de calcul, on identifie au préalable les métriques à suivre pour un actif donné et on les suit. La dernière étape permet de savoir dans quelle mesure valider ou invalider ses choix.
Dans notre exemple ici, on estime que la valeur (ou BV : « Business Value ») de développer Facebook Connect pour que nos visiteurs s’identifient sur notre site de vente est de 10 000€ par jour. Une fois la fonctionnalité priorisée/développée, on suit notamment le taux de conversion : pourquoi n’atteint-il pas les 20% d’augmentation estimés ? Le taux d’abandon en page d’identification a lui fortement diminué, le taux d’abandon sur une autre page a t il augmenté ? Où ? …
A mi-chemin entre les 2 approches ? Toutes les méthodes de priorisation/mesure que l’on appellera « par scoring ».
Ce n’est pas indispensable d’être orienté données
Tout d’abord, la force de l’approche orientée données réside dans sa capacité à adresser des problématiques business globales et complexes. C’est donc dans ce type d’environnements (où la connaissance des usages est particulièrement importante) qu’elle prend tout son sens, ce n’est peut-être pas le cas de votre environnement…
La deuxième variable est temporelle, il faut savoir qu’un produit suit un cycle de vie :
Tant qu’il n’a pas atteint sa forme minimale viable, ça n’a peu/pas de sens de chercher à valoriser les actifs qui le composent. Le MVP est par définition le premier ensemble qui constitue le produit que l’on peut valoriser et le produit finit sa vie lorsqu’on ne peut plus le valoriser.
Enfin la dernière composante est le rapport à la concurrence. « Combien va me rapporter tel service ? Telle feature ? Quel est la « business value » de passer maintenant sur telle technologie ? Ou au contraire, combien est ce que ça va me couter de ne pas faire cette migration pendant 1 an ? » Ce sont des questions qu’il est d’autant plus naturel de se poser que la capacité d’une entreprise à mettre sur le marché très rapidement un produit ou une nouvelle version est devenu un facteur concurrentiel à part entière.
L’approche garantit des retours fréquents et qualitatifs permettant de s’adapter d’autant mieux dans ce type de contexte.
Quels sont les outils pour calculer la valeur d’une fonctionnalité de son produit ?
La valeur « business » représente ce que vaut une fonctionnalité ou un service en embrassant tous les aspects qui font sa force. Par défaut il ne faut pas perdre de vue qu’il y aura toujours certains aspects qui seront mal appréhendés par ces méthodes : comme la valeur qui est créée lorsque des utilisateurs interagissent avec notre contenu ou alors la « prime au premier » que l’on obtient à délivrer un service qui n’existait pas auparavant…
L’important est donc de savoir que cette mesure ne se substitue pas à l’intuition et d’utiliser des métriques de calculs comparables pour chacun de vos actifs :
- Pour une fonctionnalité ou un service qui est supposé générer des revenus ou une réduction de couts, c’est bien ce que l’on cherchera à estimer pour calculer un ROI (cf. 2nde image)
Idem pour un actif qui contribue à ce qu’un autre rapporte : si un actif ne peut fonctionner sans un autre, c’est que cet actif contribue à la valeur générée :
Imaginons (si on reprend notre exemple) que le développement de FB Connect pour notre site de vente nécessite le développement d’une autre fonctionnalité ou d’un autre actif. On parlera alors d’un « enabler » et il s’agira d’estimer dans quelles proportions il contribue à notre hypothèse d’augmentation de BV portant sur l’augmentation de taux de conversion (et potentiellement à d’autres) pour en estimer la valeur.
- Pour d’autres fonctionnalités, services ou contenus, liés à une échéance, comme une amende réglementaire (Hello GDPR) ou un spot publicitaire, on estimera à l’inverse ce que cela nous coute de ne pas faire, on appelle ça le cout du délai :
Quantifier la valeur d’une feature n’a pas de sens si l’on ne suit pas les résultats …
L’AB Testing ou Split Testing est un bel exemple d’utilisation bout en bout de la donnée. Le procédé est notamment poussé par de nombreux designers pour affiner leurs choix et leur compréhension des usages. Il s’agit de tester plusieurs variantes d’un même élément directement face à des utilisateurs : les utilisateurs sont renvoyés aléatoirement vers chacune des variantes pendant un temps donné. On garde à la fin la meilleure variante : celle qui a les meilleurs taux de conversion, de transformation ou n’importe quelle métrique que vous voulez améliorer.
A ce jeu, les principaux leaders sur des services numériques excellent (75 % des sites ayant un trafic supérieur à 1 million de visiteurs font de l’A/B Testing).
Au-delà d’optimiser la décision, le procédé permet d’en apprendre plus sur ses visiteurs et ce qui fonctionne, d’en connaitre finalement plus sur la « capitalisation » vue de l’utilisateur de son produit.
Même si l’on n’est pas dans une logique d’AB Testing, lorsque l’on déploie une fonctionnalité ou un service, il faut suivre :
- l’impact sur les métriques identifiées auparavant, on cherche les « tendances »
- l’écart avec ses hypothèses, cela permet de se poser les bonnes questions et de tirer les bons enseignements au moment de refaire des hypothèses
- l’évolution de la valeur des différents actifs qui composent le produit,
C’est tout l’intérêt de l’approche qui en dépend…
Pour finir, il faut garder en tête que cette démarche orientée données est intéressante parce qu’elle pousse à la réflexion autour de vous, améliorant ainsi votre compréhension du marché et celle de vos équipes. Pour autant, nous travaillons tous dans des organisations dont la valeur générée ne correspond pas à la somme des valeurs individuelles de ses produits. Contribuer à, collaborer avec d’autres équipes vous mèneront parfois à faire des choix qui ne favorisent pas la valeur de son produit, ce sont pourtant souvent de bons choix !